douleurs a elle, et a son agonie.
Il decrit longuement son affreux reve, avec l'accent meme, la melancolie
romantique de _Lelia_.
...Tu me disais toujours: "Voila toute ma vie revenue, il faut me
traiter en convalescente; je vais renaitre." Et, en disant cela, tu
ecrivais ton testament. Moi, je me disais: "Voila ce que je ferai: je
la prendrai avec moi pour aller dans une prairie; je lui montrerai les
feuilles qui poussent, les fleurs qui s'aiment, le soleil qui echauffe
tout dans l'horizon plein de vie. Je l'assoirai sur du jeune chaume;
elle ecoutera et elle comprendra bien ce que disent tous ces oiseaux,
toutes ces rivieres avec les harmonies du monde. Elle reconnaitra
tous ces milliers de freres, et moi pour l'un d'entre eux. Elle nous
pressera sur son coeur; elle deviendra blanche comme un lis, et elle
prendra racine dans la seve du monde tout-puissant." Je t'ai donc
prise et je t'ai emportee. Mais je me suis senti trop faible. Je
croyais que j'etais tout jeune, parce que j'avais vecu sans mon coeur,
et que je me disais toujours: "Je m'en servirai en temps et lieu."
Mais j'avais traverse un si triste pays, que mon coeur ne pouvait plus
se desserrer sans souffrir, tant il avait souffert pour se serrer
autant, ce qui fait que mes bras etaient allonges et tout maigres,
et je t'ai laissee tomber. Tu ne m'en as pas voulu, tu m'as dit que
c'etait parce que tu etais trop lourde, et tu t'es retournee la face
contre terre. Mais tu me faisais signe de la main pour me dire de
continuer sans toi, et que la montagne etait proche. Mais tu es
devenue pale comme une hyacinthe, et le tertre vert s'est roule sur
toi, et je n'ai plus vu qu'une petite eminence ou poussait de l'herbe.
Je me suis mis a pleurer sur ta tombe, et alors je me suis senti
la force d'un millier d'hommes pour t'emporter. Mais les cloches
sonnaient dans le lointain, et il y avait des gens qui traversaient
la vallee en disant: "Voila comme elle etait; elle faisait ceci, elle
faisait cela, elle a fini par la." Alors il est venu des hommes qui
m'ont dit: "La voila donc! Nous l'avons tuee!" Mais je me suis eloigne
avec horreur en disant: "Je ne l'ai pas tuee; si j'ai de son sang
apres les mains, c'est que je l'ai ensevelie, et vous, vous l'avez
tuee et vous avez lave vos mains. Prenez garde que je n'ecrive sur sa
tombe qu'elle etait bonne, sincere et grande; et si on vous demande
qui je suis, rep
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