ai
jamais appartenu." Qui m'empecherait de te le faire croire? C'est
parce que j'ai ete sincere que tu es au supplice[133].
[Note 133: A partir de ce mois d'octobre 1834, aucune de leurs Lettres
n'est datee.]
Des la premiere reprise la pauvre femme etait blessee; mais elle
songeait a Venise et sentait bien qu'elle ne pourrait maintenir sa
rigueur. En se retrouvant seul, Lui retrouvait soudain le desespoir. Et
en meme temps qu'elle lui envoyait ces reproches plaintifs, son pauvre
amant lui demandait pardon.--Qu'a-t-il pu dire! Quelle triste folie! Il
ne sait donc pas etre heureux!...--Elle veut rentrer a Nohant?... Est-ce
possible que tout soit fini!--Ecoutons ce touchant desespoir.
.... Mon enfant, mon enfant, que je suis coupable envers toi! Que de
mal je t'ai fait cette nuit! oh, je le sais: et toi, toi, voudrais-tu
m'en punir? O ma vie, ma bien-aimee, que je suis un malheureux, que
je suis fou, que je suis stupide, ingrat, brutal! Tu es triste, cher
ange, et je ne sais pas respecter ta tristesse. Tu me dis un mot qui
m'afflige, et je ne sais pas me taire, je ne sais pas sourire, je ne
sais pas te dire que mille larmes, que mille affreux tourments, que
les plus affreux malheurs peuvent tomber sur moi, que je peux les
souffrir, et qu'ils n'ont qu'a attendre un sourire, un baiser de
toi pour disparaitre comme un songe. O mon enfant, mon ame! Je t'ai
poussee, je t'ai fatiguee, quand je devais passer les journees et les
nuits a tes pieds, a attendre qu'il tombe une larme de tes beaux yeux
pour la boire, a te regarder en silence, a respecter tout ce qu'il y a
de douleur dans ton coeur, quand ta douleur devrait etre pour moi un
enfant cheri, que je bercerais doucement. O George, George! Ecoute,
ne pense pas au passe, non, non! Au nom du ciel, ne compare pas, ne
reflechis pas. Je t'aime comme on n'a jamais aime. Oh, ma vie,
attends, attends, je t'en supplie, ne me condamne pas. Laisse faire
le temps. Ecris-moi plutot de ne pas te revoir pendant huit jours,
pendant un mois, que sais-je? A Dieu! Si je te perdais! Ma pauvre
raison n'y tient pas. Mon enfant, punis-moi, je t'en prie. Je suis un
fou miserable; je merite ta colere. Bannis-moi de ta presence pendant
un temps; tu n'es pas assez forte toi-meme pour m'aimer encore. Et
moi, et moi, je t'aime tant! Oh, que je souffre, amie! Quelle nuit
je vais passer! Oh, dis-toi cela, au nom du ciel, au nom de ta
grand'-mere,
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