uille, et pas un adieu! Ah!
c'est trop, c'est trop. Je suis bien jeune; mon Dieu, qu'ai-je donc
fait?
Mais la pauvre femme se trouble: Pagello est malheureux. Elle repond a
son amant:
Oui, il faut nous quitter pour toujours. Il est inquiet et il n'a pas
tort, puisque tu es si trouble, et il voit bien que cela me fait du
mal. Est-il possible, mon Dieu, que cela ne m'en fasse pas? Mais
je pars pour Nohant, moi, je vais passer la les vacances avec mes
enfants. Je ne veux pas que tu t'exiles a cause de moi. Je _lui_ ai
tout dit. Il comprend tout, il est bon. Il veut que je te voie sans
lui une derniere fois et que je te decide a rester, au moins jusqu'a
mon retour de Nohant. Viens donc chez moi, je suis malade pour sortir
et il fait un temps affreux. Ah! ton amitie, ta chere amitie, je l'ai
donc perdue, puisque tu souffres aupres de moi!
Ecoutons, ici, la bien-disante Mme Arvede Barine: "Elle deperissait, en
effet, de chagrin. Pagello s'etait eveille, en changeant d'atmosphere,
au ridicule de la situation: "Du moment "qu'il a mis le pied en France",
ecrit George Sand, "il n'a plus rien compris." Au lieu du saint
enthousiasme de jadis, il n'eprouvait plus que de l'irritation quand ses
deux amis la prenaient a temoin de la chastete de leurs baisers: "Le
voila qui redevient un etre faible, "soupconneux, injuste, faisant des
querelles "d'Allemand et vous laissant tomber sur la tete ces pierres
qui brisent tout." Dans son inquietude, il ouvre les lettres et clabaude
indiscretement.
"George Sand contemple avec horreur le naufrage de ses illusions. Elle
avait cru que le monde comprendrait qu'il ne fallait pas juger leur
histoire d'apres les regles de la morale vulgaire. Mais le monde ne
peut pas admettre qu'il y ait des privilegies ou, pour parler plus
exactement, des dispenses en morale. Elle lisait le blame sur tous les
visages, et pour qui? grand Dieu! Pour cet Italien insignifiant dont
elle avait honte maintenant,[128]."
[Note 128: ARVEDE BARINE, _Alfred de Musset_, p. 75.]
Indulgentes reflexions! George Sand n'eut jamais honte de ses amants,
tant qu'elle les aimait. Mais apres avoir transfigure a ses propres yeux
sa faiblesse de Venise, jusqu'a s'en justifier, la voila qui se laisse
reprendre d'amour pour Musset, au vertige de son desespoir. Et presque
fiere de la mortelle emprise qu'elle sait avoir sur le poete, elle
consent a lui dire un dernier adieu.--Cet adieu n'a pas ete aussi triste
|