. Ah!
il est horrible de mourir, il est horrible d'aimer ainsi. Quelle soif,
mon George, o quelle soif j'ai de toi! Je t'en prie, que j'aie cette
lettre. Je me meurs. Adieu.
A BADEN (GRAND-DUCHE), PRES STRASBOURG, POSTE RESTANTE.
O ma vie, ma vie, je te serre sur mon coeur, o mon George, ma belle
maitresse, mon premier, mon dernier amour.
Ou en etait George Sand, a l'heure ou son ami lui envoyait cet appel
egare?
Leur tendre et dernier adieu de Paris, qui avait d'abord apaise le
poete, l'avait passionnement exaltee. Le 29 aout, elle rentrait a
Nohant, eperdue d'amour et de desespoir.--"Viens me voir, ecrivait-elle
a Gustave Papet, je suis dans une douleur affreuse. Viens me donner une
eloquente poignee de main, mon pauvre ami..." Elle ne dissimulait point
sa blessure. Si elle guerissait, elle se refugierait dans l'amitie,
negligee trop longtemps.
Pour la premiere fois, ses enfants ne lui faisaient pas tout oublier.
Bientot la vie lui apparaissait intolerable. Et elle confiait a
Boucoiran (lettre du 31 aout) des pensees de suicide: "Vous avez du le
comprendre et le deviner, ma vie est odieuse, perdue, impossible, et je
veux en finir absolument avant peu. Nous en reparlerons.... J'aurai a
causer longuement avec vous et a vous charger de l'execution de volontes
sacrees. Ne me sermonnez pas d'avance... quand je vous aurai fait
connaitre l'etat de mon cerveau et de mon coeur, vous direz avec moi
qu'il y aurait paresse et lachete a essayer de vivre quand je devrais en
avoir deja fini." Puis elle lui "confie et lui legue Pagello, un brave
et digne homme de sa trempe"[130].
[Note 130: _Correspondance,_ I, p. 279.]
Cette crise dure quelques jours. Musset qui comptait travailler a
Bade, qui avait promis a Buloz un roman et des vers[131], continue de se
desoler. Sa plainte du 1er septembre arrive a Nohant. Et,--comme jadis a
Venise la lettre si longtemps attendue de Geneve,--cette vivante preuve
d'un invincible amour calme la passion de George et la guerit du
desespoir.
[Note 131: _Lettre_ du 18 aout.--Cf. M. Clouard, article cite, p.
730.]
A ces doleances sublimes, attendrissantes a force de chagrin sincere,
qu'elle a recues de son ami, elle repond, au crayon, sur un album,--d'un
petit bois ou elle se promene,--par une lettre toute raisonnable, et
sans aucun vestige de sa folie recente. Elle lui reproche d'exprimer
de la passion et non plus ce saint enthousiasme, cette amitie pure...
Pagello lui-
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