ement de ses projets, en ajoutant
qu'ils restaient subordonnes a l'approbation de sa mere. Sa demande
fut accueillie comme la nouvelle d'un veritable malheur. "Jamais, lui
repondit sa mere, je ne donnerai mon consentement a un voyage que je
regarde comme une chose dangereuse et fatale. Je sais que mon opposition
sera inutile et que tu partiras, mais ce sera contre mon gre et sans ma
permission."
Un moment, il eut l'espoir de vaincre cette resistance en expliquant
dans quelles conditions ce voyage devait se faire; mais lorsqu'il vit
que son insistance ne servait qu'a provoquer l'eruption des larmes, il
changea tout a coup de resolution, et fit a l'instant le sacrifice de
ses projets.--"Rassure-toi, dit-il a sa mere, je ne partirai point;
s'il faut absolument que quelqu'un pleure, ce ne sera pas toi."
Il sortit, en effet, pour donner contre-ordre aux preparatifs de
depart. Ce soir-la, vers neuf heures, notre mere etait seule avec sa
fille au coin du feu, lorsqu'on vint lui dire qu'une dame l'attendait
a la porte dans une voiture de place, et demandait instamment a lui
parler. Elle descendit accompagnee d'un domestique. La dame inconnue
se nomma; elle supplia cette mere desolee de lui confier son fils,
disant qu'elle aurait pour lui une affection et des soins maternels.
Les promesses ne suffisant pas, elle alla jusqu'aux serments. Elle y
employa toute son eloquence, et il fallait qu'elle en eut beaucoup,
puisqu'elle vint a bout d'une telle entreprise. Dans un moment
d'emotion, le consentement fut arrache, et, quoi qu'en eut dit Alfred,
ce fut sa mere qui pleura.
Par une soiree brumeuse et triste, je conduisis les voyageurs jusqu'a
la malle-poste, ou ils monterent au milieu de circonstances de mauvais
augure[75].
[Note 75: PAUL DE MUSSET, _Biographie_, p. 121.]
Ces circonstances de mauvais _augure_, Paul de Musset les raconte dans
_Lui et Elle_: ce n'etait rien moins que le fait du treizieme rang
occupe dans la cour des Messageries par la voiture de Lyon qui emmenait
George et Alfred, le heurt violent d'une borne par une des roues, en
passant sous la porte cochere, et le renversement d'un porteur d'eau
en traversant le faubourg Saint-Germain... Mais le poete n'etait pas
superstitieux, et l'_oisillon_ riait de tout son coeur.
IV
Ils s'arreterent deux jours a Lyon et descendirent a Avignon par le
Rhone. Sur le bateau, ils rencontrerent Stendhal qui rejoignait son
c
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