mal
de mer, avec cette legende: _Homo sum et nihil humani a me alienum
puto_.
George Sand raconte qu'en proie aux frissons et defaillances de la
fievre, elle visita Pise et le Campo Santo, dans une grande apathie; que
presque indifferents a la suite de leur voyage, ils jouerent a pile ou
face Rome ou Venise; qu'ils se rendirent a Venise par Florence[80]. Leur
sejour a Florence fut de courte duree, George Sand toujours malade,
et Musset preoccupe d'y situer un drame qu'il songeait a tirer des
chroniques locales. Ce drame est devenu _Lorenzaccio_. Ils traverserent
seulement Ferrare et Bologne, pour arriver, le l9 janvier 1834, a
Venise.
[Note 80: _Histoire de ma vie_, cinquieme partie, chap. III.]
On a retrouve recemment une saisissante page de George Sand, racontant
leur entree a Venise. C'est le premier chapitre d'un roman qu'elle n'a
pas ecrit; mais l'identite parfaite des personnages avec elle et son
compagnon en fait plutot un fragment de Memoires. Le voici[81]:
[Note 81: Publie par M. de Lovenjoul. _Cosmopolis_ de mai 1896.]
Il etait dix heures du soir lorsque le miserable _legno_ qui nous
cahotait depuis le matin sur la route seche et glacee s'arreta a
Mestre. C'etait une nuit de janvier sombre et froide. Nous gagnames le
rivage dans l'obscurite. Nous descendimes a tatons dans une gondole.
Le chargement de nos paquets fut long. Nous n'entendions pas un mot
de venitien. La fievre me jetait dans une apathie profonde. Je
vis rien, ni la greve, ni l'onde, ni la barque, ni le visage des
bateliers. J'avais le frisson, et je sentais vaguement qu'il y avait
dans cet embarquement quelque chose d'horriblement triste. Cette
gondole noire, etroite, basse, fermee de partout, ressemblait a un
cercueil. Enfin, je la sentis glisser sur le flot. Le temps etait
calme et il ne me semblait pas que nous allassions vite, bien que
trois hommes noirs nous fissent voguer rapidement. Ils faisaient entre
eux une conversation suivie, comme s'ils eussent ete au coin du feu.
Nous traversions sans nous en douter cette partie dangereuse de
l'archipel venitien ou, au moindre coup de vent, des courants
terribles se precipitent avec furie. Il faisait si noir que nous ne
savions pas si nous etions en pleine mer ou sur un canal etroit et
borde d'habitations. J'eus, un instant, le sentiment de l'isolement.
Dans ces tenebres, dans ce tete-a-tete avec un enfant que ne liait
point a moi une affection pu
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