nous communiqua un memorial
autographe de cette histoire, redige par son pere dans sa jeunesse,--le
tout inedit, comme le pretendait la famille de Pagello.
Ces lettres de G. Sand etaient restees inedites en effet; le journal du
docteur l'etait moins.... J'en ai eu dernierement la preuve dans _un
volume_ introuvable, et parfaitement inconnu, ou, parmi des essais
dramatiques et litteraires de sa facon, Mme Luigia Codemo a glisse le
memorial du medecin de Bellune[86]. Aux premieres lignes, j'ai reconnu le
texte meme du vieux carnet. Il n'y avait plus d'indiscretion a le faire
connaitre.... En le traduisant pour la premiere fois, je l'ai accompagne
d'un recit synthetique du drame de Venise, d'observations et de maints
details inedits[87].
[Note 86: LUIGIA CODEMO. _Racconti, scene, bozetti, produzioni
drammatiche,_ 2 vol. in-8 deg., Trevise, L. Zopelli, 1882. Le journal de
Pagello, accompagne de quelques reflexions de Mme L. Codemo, figure sous
ce titre: _Sandiana_ au premier volume (pp. 155-188).]
[Note 87: _L'histoire veridique des amants de Venise_, dans le
_Gaulois_ des 16 et 17 octobre 1896.--_La vie de George Sand et du
docteur Pagello a Venise_ et _Sand-Musset-Pagello: le retour en France,_
dans l'_Echo de Paris_ des 20 et 21 octobre 1896.]
Le journal intime de Pagello est de peu de temps posterieur aux
evenements qu'il evoque.--Ecoutons le docteur raconter comment il entra
en relations avec le couple francais de l'hotel Danieli.
Je demeurais a Venise, ou, ayant acheve mes etudes medicales, je
commencais a me procurer quelques clients. Je me promenais un jour sur
le quai des Esclavons avec un Genois de mes amis, voyageur et lettre
de gout. En passant sous les fenetres de l'_Albergo Danieli_ (ou
Hotel-Royal), je vis a un balcon du premier etage une jeune femme
assise, d'une physionomie melancolique, avec les cheveux tres noirs et
deux yeux d'une expression decidee et virile. Son accoutrement avait
un je ne sais quoi de singulier. Ses cheveux etaient enveloppes d'un
foulard ecarlate, en maniere de petit turban.
Elle portait au cou une cravate, gentiment attachee sur un col blanc
comme neige et, avec la desinvolture d'un soldat, elle fumait un
paquitos en causant avec un jeune homme blond, assis a ses cotes. Je
m'arretai a la regarder, et mon compagnon, me secouant doucement:
--He! he! me dit-il, tu parais fascine par cette charmante fumeuse...
tu la connais peut-etre?
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