met lui-meme en scene, les cheveux au vent, la
redingote pincee a la taille, les chevilles serrees dans un pantalon a
la hussarde, et il inscrit dans un coin: _Don Juan allant emprunter dix
sous pour payer son ideale_ (sic) _et enfoncer Byron._ Voici plus loin
une sorte de rebus: un oeil, une bouche, une meche de cheveux, une
verrue surmontee d'un poil follet, un bonnet grec. Ce sont les traits
distinctifs de M. Buloz, ainsi qu'il appert de l'explication fournie par
Musset: _Fragments de la Revue trouves dans une caisse vide_. Enfin,
voici des types de fantaisie, qui rappellent par leurs denominations
grotesques le tabellion du _Chandelier_ et le futur baron d'_On ne
badine plus avec l'amour _... [74]. Je copie: "Le chevalier _Colombat du
Roseau Vert_ et l'abbe _Potiron de Vent du soir_ devisent en humant une
prise de tabac; le baron _Pretextat de Clair de lune_ reve en songeant
a sa belle; le marquis _Gerondif de Pimprenelle_ erre dans ses jardins.
Ces croquis temoignent d'une verve charmante et d'une imagination quasi
puerile... Musset devait etre extremement gai, quand il n'etait pas
tourmente par la debauche ou la maladie. Il etait infiniment plus jeune
de caractere que sa compagne; elle le traitait en enfant gate et le
dominait par son lyrisme sentimental qu'il avait peut-etre le tort de
prendre trop au serieux...".
[Note 73: Ces portraits de George Sand sont de 1833. Ajoutons a
l'enumeration des suivants que va donner M. Brisson,--caricatures pour
la plupart datees de 1834,--ceux d'Alexandre Dumas, "Antony-Louverture
charpentant un viol"; de Charles Didier, "Vadius enfoncant Lucrece" et,
trois charges de Paul Foucher.]
[Note 74: Ces derniers dessins,--a la plume, tres soignes, serres
comme des illustrations du xviii deg. siecle--sont encore de l'automne
1833.]
Mais bientot cette vie leur sembla monotone; le monde jasait trop
ouvertement de leur intimite, et ils parlerent d'aller voir l'Italie. Ce
projet caresse a deux ne tarda pas a devenir une idee fixe.
Alfred de Musset sentait bien que son depart pour l'Italie n'etait qu'a
moitie resolu tant qu'il n'avait pas obtenu le consentement de sa
mere. Un matin,--nous venions de dejeuner en famille,--il paraissait
preoccupe. Connaissant ses intentions, je n'etais guere moins agite que
lui. En sortant de table, je le vis se promener de long en large, d'un
air d'hesitation. Enfin il prit son grand courage, et, avec bien des
precautions, il nous fit part officiell
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