t 45 ont paru dans divers journaux ou revues, mais ne figurent
pas dans les oeuvres du poete.]
George fut quelques jours souffrante; Alfred la soigna tendrement. Ce
qui avait ete le plus malade en elle, son coeur, "n'etait plus en danger
de desespoir et de mort". Elle l'ecrivait, le 21 septembre, a son
confesseur ordinaire:
"Je suis heureuse, tres heureuse, mon ami. Chaque jour je m'attache
davantage a _lui_; chaque jour je vois s'effacer enfin les petites
choses qui me faisaient souffrir; chaque jour je vois mieux briller les
belles choses que j'admirais. Et puis encore, par-dessus tout ce qu'il
est, il est _bon enfant_, et son intimite m'est aussi douce que sa
preference m'a ete precieuse.... Apres tout, voyez-vous, il n'y a que
cela de bon sur la terre[67]."
[Note 67: _Portraits contemporains_, p.516.]
Voila ce qu'ecrivait Lelia dans la sincerite de son nouvel amour. Que
devait penser Sainte-Beuve, trente ans plus tard, en recevant de la meme
femme la lettre pourtant reflechie ou, dans son perpetuel besoin de
justification, elle n'hesitait pas a lui dire: ".... Il etait deja mort
quand _elle_ l'avait connu! Il avait retrouve avec elle un souffle, une
convulsion derniere[68]!..."
[Note 68: Publiee par M. de Lovenjoul, _Cosmopolis_, numero de juin
1896.]
Que devait-il penser, sinon que la femme est impitoyable du moment
qu'elle n'aime plus....
La liaison d'Alfred de Musset etait maintenant connue de tous. Installe
a peu pres completement chez George Sand depuis les premiers jours
d'aout, il y devait rester jusqu'en decembre. Sa mere s'etait apercue
de ce changement dans sa vie: il ne faisait plus chez elle que de rares
apparitions[69]. Mais elle l'acceptait, en mere indulgente et faible,
qui se savait adoree de son fils. Alfred avait vingt-deux ans; son pere
etait mort depuis dix-huit mois; sa jeune renommee autorisait cette
independance.
[Note 69: Mme de Musset occupait avec ses enfants--Paul, l'aine,
Alfred et leur soeur Hermine,--59, rue de Grenelle, une habitation entre
cour et jardin qui a pour facade, sur la rue, la celebre fontaine de
Bouchardon.]
Vers la fin de septembre, nos amoureux sentirent le besoin d'aller
cacher leur bonheur dans la foret de Fontainebleau. Ils s'installerent
a Franchard ou il passerent une quinzaine. "Laurent fut admirable,
d'enthousiasme de reconnaissance et de foi, dans les premiers jours
de cette union, a ecrit l'auteur _d'Elle et Lui._ Il s'etait eleve
au-dessus
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