e qui vous
la fasse paraitre aussi sacree que les affections dont vous etes
susceptible. J'ai aime une fois pendant six ans[54], une autre fois
pendant trois[55], et maintenant je ne sais pas ce dont je suis capable.
Beaucoup de fantaisies ont traverse mon cerveau, mais mon coeur n'a pas
ete aussi use que je m'en effrayais: je le dis maintenant parce que je
le sens.
[Note 54: Aurelien de Seze, de 1825 a 1830: affection toute
platonique, comme en temoigne, parait-il, un journal intime de G. Sand
que possede M. de Lovenjoul.]
[Note 55: Jules Sandeau, de 1830 a mars 1833.]
Je l'ai senti quand j'ai aime P(rosper) M(erimee). Il m'a repoussee,
j'ai du me guerir vite. Mais ici, bien loin d'etre affligee et meconnue,
je trouve une candeur, une loyaute, une tendresse qui m'enivrent. C'est
un amour de jeune homme et une amitie de camarade. C'est quelque chose
dont je n'avais pas l'idee, que je ne croyais rencontrer nulle part et
surtout la. Je l'ai niee, cette affection, je l'ai repoussee, je l'ai
refusee d'abord, et puis je me suis rendue, et je suis heureuse de
l'avoir fait. Je m'y suis rendue par amitie plus que par amour, et
l'amour que je ne connaissais pas s'est revele a moi sans aucune des
douleurs que je croyais accepter.
Je suis heureuse, remerciez Dieu pour moi. Il y a bien en moi des heures
de tristesse et de vague souffrance: cela est en moi et vient de moi...
Je suis dans les conditions les plus vraies de regeneration et de
consolation. Ne m'en dissuadez pas[56].
[Note 56: _Revue de Paris_ du 15 novembre 1896, p. 288.]
"Ce furent d'heureux jours, ce n'est pas de ceux-la qu'il faut parler,"
a ecrit Musset, evoquant, dans la _Confession d'un Enfant du Siecle_,
cette periode fortunee de son amour[57]. La vie chez George Sand etait
joyeuse. A cote de ses dessins humoristiques, le poete nous a laisse un
croquis plaisant et facile de cet interieur d'etudiants.
[Note 57: _Confession_, 3 deg. et 4 deg. parties.]
George est dans sa chambrette
Entre deux pots de fleurs,
Fumant sa cigarette,
Les yeux baignes de pleurs.
Buloz assis par terre,
Lui fait de doux serments;
Solange par derriere
Gribouille ses romans[58].
Plante comme une borne,
Boucoiran tout mouille
Contemple d'un oeil morne
Musset tout debraille.
Dans le plus grand silence,
Paul[59], se versant du the,
Ecoule l'eloquence
De Menard tout crotte.
Planche saoul de la veille
Est assis dans un coin
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