ous guerir.
Malheureusement on n'a pas encore trouve de cataplasme a poser sur le
coeur. Ne regardez pas trop la lune, je vous en prie, et ne mourez pas
avant que nous ayons execute le beau projet de voyage dont nous avons
parle. Voyez quel egoiste je suis; vous dites que vous avez manque
d'aller dans l'autre monde; je ne sais vraiment pas trop ce que je fais
dans celui-ci[35].
Tout a vous de coeur.
ALFRED DE MUSSET.
[Note 35: Une note de G. Sand sur la correspondance autographe,
attribue encore cette reflexion aux crises d'estomac de Musset (?).]
Nous sommes en juillet. George Sand a termine _Lelia_. Une de ses
premieres visites est pour son nouvel ami. "Un matin de juillet, m'a
conte Mme Lardin de Musset, George Sand est venue voir mon frere a la
maison. Je crois que nous etions absentes, ma mere et moi. Paul jouait
du violon. Elle apercut sur le pupitre un exemplaire _d'Indiana._ Il
etait reste ouvert a un passage tres rature de la main d'Alfred. Paul a
pense qu'elle lui avait garde rancune de ces corrections[36]..."
[Note 36: L'exemplaire en question d'_Indiana_ a ete conserve. On
y trouve en effet un chapitre ou les epithetes sont abondamment
sacrifiees. La _Revue des Deux Mondes_ du 1er novembre 1878 a cite
quelques-unes de ces corrections du poete.--Remarquons que Paul de
Musset se trompe evidemment en parlant de deux lectures d'_Indiana_
faites par son frere, a trois ans d'intervalle: la premiere, pour
critiquer le livre, en juin ou octobre 1832, la seconde pour ecrire les
vers qu'on a lus plus haut. L'autographe d'Alfred de Musset est bien
date du 24 juin 1833.]
La supposition de Paul de Musset _(Lui et Elle)_ parait bien gratuite.
Jamais Alfred n'a fait allusion a de la jalousie litteraire chez George
Sand.
Une sorte de modestie passive, faite d'indifference autant que de bonte,
lui epargna, il faut le reconnaitre, les mesquineries coutumieres des
bas-bleus. Pour une fois je ne me sens pas d'accord avec Paul de Musset.
Son livre sue la verite. Il avait ete le confident unique de son frere;
il le resta toute sa vie. Mais il donne trop d'importance a la part de
la litterature dans les premieres relations du poete avec George Sand.
A ce moment-la, fin de juillet 1833, ils etaient tout a leur intimite
naissante. Apres Sainte-Beuve, que George Sand avait consulte a mesure
qu'elle edifiait son roman, Musset, le premier, put lire _Lelia_
terminee. Il en avait sans doute les epreuves. C'etait vers
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