ibre et d'esperance, debarque au quartier Latin ou
l'attend un petit groupe ami d'etudiants berrichons.
Alors commence cette existence en partie double, bourgeoise et rangee en
Berry, pres de ses enfants, trois mois sur six, singulierement emancipee
les trois mois suivants a Paris.--Deja s'etablissait sa legende. La
chatelaine patiente et reveuse de Nohant se transformait en un etudiant
imberbe, aux longs cheveux boucles, coiffes d'un beret de velours, noir
comme eux, vetu d'une redingote de bousingot, arborant la cravate rouge,
et toujours la cigarette aux levres.
Son costume etait, d'ailleurs, la moindre de ses libertes. A peine
dissimulait-elle, dans sa societe de Paris, sa liaison avec Sandeau. Si
elle essaie de se justifier de cette independance dans _l'Histoire de ma
vie_,--etrange histoire, en effet, dont le malheureux Chopin disait
a Delacroix qu'il la defiait bien de l'ecrire, et qui n'est plus que
reticences au moment ou on y cherche des revelations,--du moins sa
correspondance l'accable. Non pas ses lettres deferentes a sa mere, Mme
Dupin, ou passionnees de tendresse a son fils, mais celles a ses amis
berrichons, ses compagnons de Paris, Alphonse Fleury, Charles Duvernet,
a l'effarouche Boucoiran lui-meme, son confident de la premiere heure,
lettres ou un furieux amour de liberte quand meme, voire de boheme,
eclate entre les lignes... Mais on jasait d'elle maintenant a la Chatre.
Agacee, elle prit ses coudees franches.
Sa liaison avec Jules Sandeau dura trois ans. L'histoire en est encore
imparfaitement connue: nous savons qu'elle reprit elle-meme chez lui sa
correspondance, apres la rupture, et la brula. On a dit qu'elle l'avait
aime tendrement, croyant s'engager pour la vie... Ses premieres
aventures d'amour nous decouvriraient plutot son cerveau que son coeur.
Apres Sandeau, "elle essaya d'autres liaisons qui furent malheureuses ou
vaines, telles que celles avec Merimee et Gustave Planche", a ecrit son
confident Sainte-Beuve[5]. C'est encore l'etudiante, la frondeuse de
tous "prejuges", double scandale, qui la poursuivra longtemps. Elle
demeure volontiers l'amie de ceux qu'elle a quittes, sachant vite se
ressaisir. Mais deja le fond est desenchante. Avec Musset enfin, elle
espere atteindre au bonheur. Pas plus avec lui, pourtant, que plus tard
avec Michel de Bourges, un haut esprit, son maitre, qu'elle aimera
jusqu'a l'adoration, et avec Chopin qui, lui, mourra de son amour,
elle ne trouvera la paix d
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