tenter son optimisme par un vague ideal humanitaire. La
Nature seule put la rasserener, qui lui dicta ses vrais chefs-d'oeuvre.
Ainsi l'independance regne au fond de son ame, si obstinee, si rangee
pourtant. Son grand sens pratique modere l'ivresse d'artiste qui lui
fait aimer son labeur. Elle embourgeoise tout au nom de l'ideal,--car
l'idealisme rejoint le naturalisme dans une exclusive poursuite de la
verite...
Sa nature, en somme, la fait peu aristocrate. Les revoltes ne le sont
jamais. Son travail methodique, sa regularite patiente, impassible
--bovine--_a, faire de la copie_, parmi les plus graves agitations de
son ame, prouvent chez elle une fantaisie pratique, toute d'insoumission
raisonnee. Quand une passion a cesse de la faire vibrer, elle s'en
detache. Elle ne se reprit a Musset qu'au contact exaltant de sa grande
douleur... Elle redevenait orgueilleuse a sentir qu'il la lui devait!
Les pretentions aristocratiques de Musset devaient alterer de bonne
heure leur entente amoureuse. Orgueilleux de son "monde", sinon de sa
naissance, le poete dedaignait la vie et l'atmosphere bourgeoises, comme
tous les artistes de race, ne se plaisant comme eux qu'avec la societe
riche et elegante, l'elite feminine, ou le vrai peuple. Le gout que
manifesta de bonne heure George Sand pour les democrates, pour l'esprit
ouvrier, devait irriter son ami dans ses fibres secretes. A cette
consideration dont on n'a guere tenu compte, il faut ajouter le
desequilibre physiologique du poete. Ses crises nerveuses, jamais bien
expliquees, faisaient craindre pour lui la folie. On a meme parle
d'attaques d'epilepsie. Mais Mme Lardin de Musset, qui, jusqu'a son
mariage (1846), n'a pas quitte son frere, m'a dementi formellement
qu'il ait ete sujet a rien de semblable. Quand eclata la crise, l'un et
l'autre se sentaient-ils humilies? George Sand avait d'abord pris Musset
pour un enfant: ceci ne se pardonne guere, aux heures clairvoyantes.
Mais Musset etait un bon enfant: il passa bien vite a sa maitresse
cette manie de protection. L'abus qu'elle faisait de la declamation
sermonneuse l'agaca davantage, et surtout son obstination a poetiser ses
faiblesses...
La mere du poete, qui d'abord s'etait opposee au voyage en Italie, avait
fini par "consentir a confier" son fils a George Sand, comme a une femme
de grand renom, plus agee que lui de six ans et relativement grave,
malgre des erreurs trop connues.
Elle preferait pour lui ce voyage avec u
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