t elle tira profit pour son oeuvre. Nous reviendrons plus
loin sur leurs relations. Mais ce premier signalement de Gustave Planche
dans les avatars de George Sand nous prepare a l'entree en scene de
Sainte-Beuve, chez qui le conseiller litteraire va se doubler d'un
conseiller intime, d'un confident d'amour.
Il n'en a pas fait mystere: c'est a lui que nous devons de connaitre
quelques-unes des lettres qu'elle lui ecrivit durant la periode troublee
ou elle cherchait sa voie. Dans un des curieux appendices de ses
_Portraits Contemporains_,--sortes de codicilles du testament
litteraire que constituent ses derniers livres[7], Sainte-Beuve a
esquisse avec plus de charme que de discretion,--George Sand vivait
encore,--l'etat d'ame de ce beau genie feminin pendant ces six mois
critiques et decisifs. Et il a donne a l'appui les pages intimes "les
plus vraies, les plus naives et les plus modestes ou elle s'ouvrait a
lui de son coeur et de son talent".
[Note 7: _Portraits contemporains_, 1868 (cinq volumes ou sont
reimprimes les plus anciens articles de Sainte-Beuve), t. I, p. 506-523.
Paris, Calmann Levy.]
Ils avaient fait connaissance en janvier 1833. A la suite d'articles
publies par Sainte-Beuve sur _Indiana_ et _Valentine_[8], Gustave
Planche lui avait dit que l'auteur desirait le voir pour le remercier.
"Nous y allames un jour vers midi; elle habitait depuis peu, et seule,
le logement du quai Malaquais. Je vis en entrant une jeune femme aux
beaux yeux, au beau front, aux cheveux noirs un peu courts, vetue d'une
sorte de robe de chambre sombre des plus simples. Elle ecouta, parla peu
et m'engagea a revenir. Quand je ne revenais pas assez souvent, elle
avait le soin de m'ecrire et de me rappeler. En peu de mois, ou meme en
peu de semaines, une liaison etroite d'esprit a esprit se noua entre
nous. J'etais garanti alors contre tout autre genre d'attrait et de
seduction par la meilleure, la plus sure et la plus intime des defenses.
Ce preservatif contre un sentiment d'amour, en presence d'une jeune
femme qui excitait l'admiration, fut precisement ce qui fit la solidite
et le charme de notre amitie. George Sand voulut bien me prendre a
ce moment delicat de sa vie, ou elle arrivait a la celebrite, pour
confident, pour conseiller, presque pour confesseur[9]."
[Note 8: Le _National_ des 5 octobre et 31 decembre 1832.]
[Note 9: _Portraits contemporains_, I, p. 507.]
George Sand ecrivait alors _Lelia_, Sainte-Beuve _Volupte
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