le precepteur de son pere, des lectures enthousiastes
de Chateaubriand et de Rousseau, enfin le sentiment de la nature,
qu'eveillaient en elle ses promenades dans la _Vallee Noire_, ce paysage
du Berry qu'elle a fait legendaire, s'amalgamerent dans cette ame pour
former son genie reveur et passionne, melancolique et oratoire, pour
alimenter sa verve descriptive, abondante comme une source, vers les
grands horizons, pourtant desenchantes, du plus invincible optimisme.
Mme Dupin de Francueil etant morte, elle passait quelque temps chez sa
mere, a Paris, puis se mariait. L'homme qu'elle epousait (1822), dans
l'espoir, de l'amour, mais sans enthousiasme, M. Casimir Dudevant, fils
naturel d'un colonel baron de l'Empire, avait ete lui-meme soldat.
Jeune encore, mais de peu d'imagination, il ne tardait pas a se laisser
enliser par la vie rurale.
On peut croire qu'il fut longtemps sans soupconner la valeur
d'intelligence et de sensibilite de sa compagne. Il devait bientot
cesser de lui plaire, pour un prosaisme peut-etre sermonneur, qui
heurtait chez elle de vifs penchants a l'exaltation romantique.
Buvait-il plus que de raison et etait-il aussi brutal qu'on l'a laisse
entendre? Nous ne le rechercherons pas. Du moins le sejour de Nohant
pesait-il a la jeune femme, malgre les frequents voyages a l'aide
desquels son mari s'ingeniait a la distraire. Au cours d'une de ces
absences, souvent fort prolongees, Aurore Dudevant rencontrait a
Bordeaux, revoyait a Cauterets, l'homme qui lui a revele l'amour.
C'etait un jeune magistrat, M. Aurelien de Seze, dont le grand sens
et l'honnetete retarderent de six ans,--les six ans que dura cette
affection platonique,--la crise qui fera quitter son foyer a celle qui
sera George Sand. Mais nous ne pouvons nous attarder sur cette periode
de sa vie, d'ailleurs incompletement exploree.
La monotone compagnie de M. Dudevant lui devenait insupportable.
Apres neuf ans de mariage et sans vouloir s'avouer l'inquietude de
ses sens,--elle affecta toujours de n'en pas convenir,--elle s'etait
violemment avisee que l'heure etait venue de vivre a sa fantaisie, sans
pourtant rompre tout a fait.
Un beau matin, sur le premier pretexte, elle se montre offensee, declare
son interieur intolerable et demande une pension, pour partager sa vie
entre Paris, ou elle fera metier d'ecrire, et Nohant, ou elle retrouvera
ses enfants. M. Dudevant accepte, resigne, et en janvier 1831, la jeune
femme, ivre d'air l
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