'ordre au
marechal Mortier d'empecher le pillage. Cet ordre avait ete donne dans
chaque regiment, mais lorsque l'on sut que les Russes eux-memes
mettaient le feu a la ville, il ne fut plus possible de retenir le
soldat: chacun prit ce qui lui etait necessaire, et meme des choses
dont il n'avait pas besoin.
Dans la nuit du 17, le capitaine me permit de prendre dix hommes de
corvee, avec leurs sabres, pour aller chercher des vivres. Il en
envoya vingt d'un autre cote, parce que la maraude ou le pillage[17],
comme on voudra, etait permis, mais en recommandant d'y mettre le plus
d'ordre possible. Me voila donc encore parti pour la troisieme course
de nuit.
[Note 17: Nos soldats appelaient le pillage de la ville, la "foire
de Moscou", (_Note de l'auteur_.)]
Nous traversames une grande rue tenant a la place ou nous etions.
Quoique le feu y avait ete mis deux fois, l'on etait parvenu a s'en
rendre maitre, et, depuis ce moment, l'on avait ete assez heureux de
la preserver. Aussi plusieurs officiers superieurs, ainsi qu'un grand
nombre d'employes de l'armee, y avaient pris leur domicile. Nous en
traversames encore d'autres ou l'on ne voyait plus que la place,
marquee, par les plaques en tole des toits; le vent de la journee
precedente en avait balaye les cendres.
Nous arrivames dans un quartier ou tout etait encore debout: l'on n'y
voyait que quelques voitures d'equipage, sans chevaux. Le plus grand
silence y regnait. Nous visitames les voitures: il ne s'y trouvait
rien, mais, a peine les avions-nous depassees, qu'un cri feroce se fit
entendre derriere nous et fut repete deux fois et a deux distances
differentes. Nous ecoutames quelque temps, et nous n'entendimes plus
rien. Alors nous nous decidames a entrer dans deux maisons, moi avec
cinq hommes dans la premiere, et un caporal avec les cinq autres, dans
l'autre. Nous allumames des lanternes dont nous etions munis, et, le
sabre en main, nous nous disposames a entrer dans celles qui nous
paraissaient devoir renfermer des choses qui pouvaient nous etre
utiles.
Celle ou je voulais entrer etait fermee, et la porte garnie de grandes
plaques de fer; cela nous contraria un peu, vu que nous ne voulions
pas faire de bruit en l'enfoncant. Mais, ayant remarque que la cave,
dont la porte donnait sur la rue, etait ouverte, deux hommes y
descendirent. Ils y trouverent une trappe qui communiquait dans la
maison, de maniere qu'il leur fut facile de nous ouvrir la porte. Nous
y ent
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