a tete et la partie
gauche garanties. Apres nous etre serres les uns contre les autres, et
en prenant toutes les precautions possibles pour ne pas etre ecrases,
nous nous mimes en marche, un soldat en tete, ensuite moi tenant celui
qui ne voyait presque pas, par la main, et les autres suivaient. Enfin
nous traversames avec beaucoup de peine, et non sans avoir failli etre
renverses plusieurs fois. Lorsque nous eumes traverse, nous nous
trouvames dans une nouvelle rue, ou nous apercumes plusieurs familles
juives et quelques Chinois accroupis dans des coins, gardant le peu
d'effets qu'ils avaient sauves ou pris chez les autres. Ils
paraissaient surpris de nous voir: probablement qu'ils n'avaient pas
encore vu de Francais dans ce quartier. Nous approchames d'un juif,
nous lui fimes comprendre qu'il fallait nous conduire sur la place du
Gouvernement. Un pere y vint avec son fils, et comme, dans ce
labyrinthe de feu, les rues etaient coupees quelquefois par des
maisons croulees ou par d'autres enflammees, ce ne fut qu'apres des
detours et de grandes difficultes de trouver des issues, et apres nous
etre reposes plusieurs fois, que nous arrivames, a onze heures de la
nuit, a l'endroit d'ou nous etions partis la veille.
Depuis que nous etions arrives a Moscou, je n'avais pas, pour ainsi
dire, pris de repos; aussi je me couchai sur de belles fourrures que
nos soldats avaient rapportees en quantite, et je dormis jusqu'a sept
heures du matin.
La compagnie n'avait pas encore ete relevee de service, vu que tous
les regiments, ainsi que les fusiliers, et meme la Jeune Garde, a la
disposition du marechal Mortier, qui venait d'etre nomme gouverneur de
la ville, etaient occupes, depuis trente-six heures, a comprimer
l'incendie qui, lorsque l'on avait fini d'un cote, recommencait d'un
autre. Cependant l'on conserva assez d'habitations, et meme au dela de
ce qu'il fallait, pour se loger, mais ce ne fut pas sans mal, car
Rostopchin avait fait emmener toutes les pompes. Il s'en trouva encore
quelques-unes, mais hors de service.
Pendant la journee du 16, l'ordre avait ete donne de fusiller tous
ceux qui seraient pris mettant le feu. Cet ordre avait, aussitot, ete
mis a execution. Pas loin de la place du Gouvernement, se trouvait une
autre petite place ou quelques incendiaires avaient ete fusilles et
pendus ensuite a des arbres: cet endroit s'appela toujours la _place
des Pendus_.
Le jour meme de notre entree, l'Empereur avait donne l
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