s etes ici; et c'est cet amour, cette
passion qui m'a entraine. Est-ce ma faute si cet amour s'est empare de
moi, m'a pris tout entier et m'a rendu fou? Croyez-vous qu'on puisse
laisser vivre cote a cote une jeune tille et un jeune homme sans qu'il
en resulte autre chose qu'un echange de politesses banales? croyez-vous
qu'ils peuvent executer les morceaux les plus passionnes de la musique,
rien qu'avec leurs doigts, mecaniquement, sans que la tete et le coeur
se prennent? Peut-etre est-ce possible pour certaines natures. Cela ne
l'a point ete pour moi. Peu a peu l'amour s'est glisse dans mon coeur.
En voyant mademoiselle de... en la voyant si charmante, en decouvrant
chaque jour une seduction nouvelle, cette passion a grandi, et il est
venu un moment ou je n'ai pas pu la taire. Je suis entre chez elle pour
lui dire cet amour que j'aurais maintenu aussi soumis, aussi respectueux
qu'elle l'aurait exige. Elle n'a pas voulu m'ecouter; elle n'a pas voulu
me comprendre. Elle m'a demande de partir, je lui ai obei, Si j'avais
ete l'homme que vous croyez, serais-je parti alors? Nous etions seuls,
portes et fenetres closes, je n'avais qu'a la prendre, et cependant je
ne l'ai pas prise.
--Par grandeur d'ame, par honnetete, par delicatesse? Non. Par calcul.
Vous avez cru qu'oubliant cet outrage, elle vous admettrait pres d'elle
comme par le passe, et qu'un jour, se laissant toucher par cet amour
respectueux et soumis, elle se donnerait:
--Je n'ai point fait de calcul.
--Et moi je vous dis que vous en avez fait un, puisque vous lui avez
propose un marche. Eleve de Soupert, vous vous etes souvenu que votre
maitre s'etait fait aimer d'une jeune fille de notre monde, et vous
vous etes demande pourquoi il n'en serait pas de vous comme de lui: il
l'avait bien forcee au mariage, pourquoi n'arriveriez-vous pas au meme
resultat? L'affaire etait bonne. Malheureusement pour vous, votre calcul
etait faux: vous ne vous etiez pas fait aimer, et maintenant vous vous
etes fait mepriser et hair si profondement, que la malheureuse se
jetterait plutot dans les bras de la mort que dans les votres.
--Que vous dirai-je? vous me croyez capable de toutes les bassesses; je
n'ai pas a me defendre. Et cependant si je voulais, je vous prouverais
que toutes ces explications que vous entassez pour m'en accabler ne
reposent sur rien.
--Si vous vouliez! mais vous ne voulez pas.
--A quoi bon? Et pourtant.
Brusquement il alla a la table ou il etait a
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