amoureuse d'un squelette, pendu dans son alcove. Je
m'arrete, je ne puis dire ici les histoires monstrueuses qui ont
circule, et que la presse a repandues crument ou a demi mots. De
nouveau, je prie M. Albert Wolff de me dire s'il soupconne madame Sarah
Bernhardt d'avoir fait circuler ces histoires elle meme, dans le but
calcule de faire parler d'elle.
Je touche ici un point delicat. En quoi les excentricites de madame
Sarah Bernhardt, vraies ou non, interessaient-elles le public? Je suis
persuade, pour mon compte, de la faussete parfaite de ces legendes.
Mais, quand il serait vrai que madame Sarah Bernhardt rotirait des
singes et coucherait avec un squelette, qu'avons-nous a voir la-dedans,
nous autres, si c'est son plaisir? Des qu'on est chez soi, les portes
closes, on a le droit absolu de vivre a sa guise, pourvu qu'on ne gene
personne. C'est affaire de temperament. Si je disais que tel critique,
tres moral, vit dans une cour de petites femmes complaisantes, que
tel romancier idealiste patauge dans la prose de l'escroquerie, je me
melerais certainement de ce qui ne me regarde pas. La vie interieure
de madame Sarah Bernhardt ne regardait ni les reporters ni les
chroniqueurs. En tout cas, ce n'est pas encore elle qu'il faut accuser
ici de chercher la reclame; c'est la reclame, violente et blessante,
qui a force sa demeure et qui a mis autour de l'artiste la reputation
romantique et legerement ridicule d'une femme a moitie folle.
Maintenant, arrivons a la grosse accusation. On lui reproche surtout de
ne pas s'en etre tenu a l'art dramatique, d'avoir aborde la sculpture,
la peinture, que sais-je encore! Cela est plaisant. Voila que, non
content de la trouver maigre et de la declarer folle, on voudrait
reglementer l'emploi de ses journees. Mais, dans les prisons, on est
beaucoup plus libre. Est-ce qu'on s'inquiete de ce que madame Favart ou
madame Croizette fait en rentrant chez elle? Il plait a madame Sarah
Bernhardt de faire des tableaux et des statues, c'est parfait. A la
verite, on ne lui nie pas le droit de peindre ni de sculpter, on
declare simplement qu'elle ne devrait pas exposer ses oeuvres. Ici le
requisitoire atteint le comble du burlesque. Qu'on fasse une loi tout de
suite pour empecher le cumul des talents. Remarquez qu'on a trouve la
sculpture de madame Sarah Bernhardt si personnelle, qu'on l'a accusee
de signer des oeuvres dont elle n'etait pas l'auteur. Nous sommes ainsi
faits en France, nous n'admetto
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