sieur?
Ces mots furent prononces avec l'accent anglais le plus pur, le moins
melange d'indien, et cela seul aurait suffi pour exciter ma surprise si
deja mon attention n'eut ete vivement eveillee sur cet homme.
--Quel est cet Indien? demandai-je a un de mes voisins.
--Connais pas; nouvel arrive, fut toute la reponse.
--Croyez-vous qu'il soit etranger ici?
--Tout juste; venu il y a peu de temps; personne ne le connait, je crois;
si fait pourtant; le capitaine. Je les ai vus se serrer la main.
Je regardai l'Indien avec un interet croissant. Il pouvait avoir trente
ans environ et n'avait guere moins de sept pieds (anglais) de taille. Ses
proportions vraiment apolloniennes le faisaient paraitre moins grand. Sa
figure avait le type romain. Un front pur, un nez aquilin, de larges
machoires, accusaient chez lui l'intelligence aussi bien que la fermete et
l'energie. Il portait une blouse de chasse, de hautes guetres et des
mocassins; mais tous ces vetements differaient essentiellement de ceux des
chasseurs ou des Indiens. Sa blouse etait en peau-de daim rouge, preparee
autrement que les trappeurs n'ont l'habitude de le faire. Presque aussi
blanche que la peau dont on fait les gants, elle etait fermee sur la
poitrine et magnifiquement brodee avec des piquants de porc-epic; les
manches ornees de la meme maniere; le collet et la jupe rehausses par une
garniture d'hermine douce et blanche comme la neige. Une rangee de peaux
entieres de cet animal formait, tout autour de la jupe, une bordure a la
fois couteuse et remarquablement belle. Mais ce qui distinguait le plus
particulierement cet homme, c'etait sa chevelure. Elle tombait abondante
sur ses epaules et flottait presque jusqu'a terre quand il marchait. Elle
avait donc pres de sept pieds de longueur. Noire, brillante et
plantureuse, elle me rappelait la queue de ces grands chevaux flamands que
j'avais vus atteles aux chars funebres a Londres. Son bonnet etait garni
d'un cercle complet de plumes d'aigles, ce qui, chez les sauvages,
constitue la supreme elegance. Cette magnifique coiffure ajoutait a la
majeste de son aspect. Une peau blanche de buffalo pendait de ses epaules,
et le drapait gracieusement comme une toge. Cette fourrure blanche
s'harmonisait avec le ton general de l'habillement et formait repoussoir a
sa noire chevelure. Il portait encore d'autres ornements; l'eclat des
metaux resplendissait sur ses armes et sur les differentes pieces de son
equipement; le
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