che brisee. Un murmure d'approbation suivit ce coup;
et les hommes qui applaudissaient ainsi n'etaient point habitues a
s'emouvoir pour peu de chose. L'Indien s'approcha a son tour, ayant
recharge son fusil. Il visa, et sa balle atteignit la branche au point
deja frappe, et la coupa net. L'oiseau tomba a terre, au milieu des
applaudissements de tous les spectateurs, mais surtout des Indiens et des
chasseurs mexicains. On le prit et on l'examina; deux balles lui avaient
traverse le corps; l'une ou l'autre aurait suffi pour le tuer. Un nuage de
mecontentement se montra sur la figure du jeune trappeur. Etre ainsi
egale, depasse, dans l'usage de son arme favorite, en presence de tant de
chasseurs de tous les pays, et cela par un Indien, bien plus encore, avec
un _fusil de clinquant!_ Les montagnards n'ont aucune confiance dans les
fusils a crosses ornees et brillantes. Les rifles a paillettes,
disent-ils, c'est comme les rasoirs a paillettes: c'est bon pour amuser
les jobards. Il etait evident cependant que le rifle de l'Indien etranger
avait ete confectionne pour faire un bon usage. Il fallut tout l'empire
que le trappeur avait sur lui-meme pour cacher son chagrin. Sans mot dire,
il se mit a nettoyer son arme avec ce calme stoique particulier aux hommes
de sa profession. Je remarquai qu'il le chargeait avec un soin extreme.
Evidemment, il ne voulait pas en rester la de cette lutte d'adresse, et il
tenait a battre l'Indien ou a etre battu par lui completement. Il
communiqua cette intention a voix basse a un de ses camarades. Son fusil
fut bientot recharge, et, le tenant incline a la maniere des chasseurs, il
se tourna vers la foule, a laquelle on etait venu se joindre de toutes les
parties du camp.
--Un coup comme ca, dit-il, ca n'est pas plus difficile que de mettre dans
un tronc d'arbre. Il n'y a pas d'homme qui ne puisse en faire autant, pour
peu qu'il sache regarder droit dans son point de mire. Mais je connais une
autre espece de coup qui n'est pas si aise; faut savoir tenir ses nerfs.
Le trappeur s'arreta et regarda l'Indien qui rechargeait aussi son fusil.
--Dites donc, etranger! reprit-il en s'adressant a lui, avez-vous ici un
camarade qui connaisse votre force?
--Oui! repondit l'Indien, apres un moment d'hesitation....
--Et ce camarade a-t-il une pleine confiance dans votre adresse?
--Oh! je le crois. Pourquoi me demandez-vous cela?
--Parce que je vas vous montrer un coup que nous avions l'habitude de
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