les approcher a portee de fusil; mais nous n'osions pas
les tirer. Nous savions que les chiens des Indiens seraient mis sur la
piste par le sang repandu. Sur le soir, nous retournames encore a la
provision d'eau, et nous fimes deux fois le voyage, car nos animaux
commencaient a souffrir de la soif. Nous primes les memes precautions que
la premiere fois.
Le lendemain, nos yeux resterent anxieusement fixes sur l'horizon, au
nord. Seguin avait une petite lunette d'approche, et nous pouvions
decouvrir la prairie jusqu'a une distance de pres de trois milles; mais
l'ennemi ne se montra pas plus que la veille. Le troisieme jour se passa
de meme, et nous commencions a craindre que les ennemis n'eussent pris un
autre sentier. Une autre circonstance nous inquietait: nous avions
consomme presque toutes nos provisions, et nous nous voyions reduits a
manger crues les noix du Pinon. Nous n'osions pas allumer du feu pour les
faire griller. Les Indiens reconnaissent une fumee a d'enormes distances.
Le quatrieme jour arriva, et rien ne troubla encore la tranquillite de
l'horizon, au nord. Nos provisions etaient epuisees, et la faim commencait
a nous mordre les entrailles. Les noix ne suffisaient point pour
l'apaiser. Le gibier abondait a la source et sur la prairie. Quelqu'un
proposa de se glisser a travers les saules et de tirer une antilope ou un
daim raye. Ces animaux se montraient par troupeaux tout autour de nous.
--C'est trop dangereux, dit Seguin, leurs chiens sentiraient le sang. Cela
nous trahirait.
--Je puis vous en procurer un sans verser une goutte de sang, reprit un
chasseur mexicain.
--Comment cela? demandames-nous tous ensemble.
L'homme montra son lasso.
--Mais vos traces? Vos pieds feront de profondes empreintes dans la lutte.
--Nous pourrons les effacer, capitaine, repondit le chasseur.
--Essayez donc, dit le chef consentant.
Le Mexicain detacha le lasso de sa selle, et, prenant avec lui un
compagnon, se dirigea vers la source. Ils se glisserent a travers les
saules et se mirent en embuscade. Nous les suivions du regard du haut de
la crete.
Ils n'etaient pas la depuis un quart d'heure, que nous vimes un troupeau
d'antilopes s'approcher, venant de la plaine. Elles se dirigeaient droit a
la source, se suivant a la file, et furent bientot tout pres des saules ou
les chasseurs s'etaient embusques. La, elles s'arreterent tout a coup,
levant leurs tetes et reniflant l'air. Elles avaient senti le danger;
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