hiboux et
les loups effarouches nous cederent la place, et nous installames notre
camp au milieu des murs croulants. Nos chevaux furent attaches sur les
pelouses desertes, et dans les vergers depuis longtemps abandonnes, ou les
fruits murs jonchaient la terre en tas epais. Les feux, bientot allumes,
illuminerent de leurs reflets brillants les piliers gris; une partie de la
viande fut depaquetee et cuite pour le souper. Il y avait la de l'eau en
abondance. Une branche du San-Pedro coulait au pied des murs de la
Mission. Il y avait, dans les jardins, des yams, du raisin, des pommes de
Grenade, des coings, des melons, des poires, des peches et des pommes;
nous eumes de quoi faire un excellent repas. Apres le diner, qui fut
court, les sentinelles furent placees a tous les chemins qui conduisaient
vers les ruines. Les hommes etaient affaiblis et fatigues par le long
jeune qui avait precede cette refection, et au bout de peu de temps ils se
coucherent la tete reposant sur leurs selles et s'endormirent. Ainsi se
passa notre premiere nuit a la Mission de San-Pedro. Nous devions y
sejourner trois jours, ou tout au moins attendre que la chair de buffalo
fut sechee et bonne a empaqueter.
Ce furent des jours penibles pour moi. L'oisivete developpait les mauvais
instincts de mes associes a demi sauvages. Des plaisanteries obscenes et
des jurements affreux resonnaient continuellement a mes oreilles; je n'y
echappais qu'en allant courir les bois avec le vieux botaniste, qui passa
tout ce temps au milieu des joies vives et pures que procurent les
decouvertes scientifiques. Le Maricopa etait aussi pour moi un agreable
compagnon. Cet homme etrange avait fait d'excellentes etudes, et
connaissait a peu pres tous les auteurs de quelque renom. Il se tenait sur
une tres-grande reserve toutes les fois que j'essayais de le faire parler
de lui. Seguin, pendant ces trois jours, demeura taciturne et solitaire,
s'occupant tres-peu de ce qui se passait autour de lui. Il semblait devore
d'impatience, et, a chaque instant, allait visiter le _tasajo_. Il passait
des heures entieres sur les hauteurs voisines, et tenait ses regards fixes
du cote de l'est. C'etait le point d'ou devaient revenir les hommes que
nous avions laisses en observation au Pinon. Une _azotea_ dominait les
ruines. J'avais l'habitude de m'y rendre chaque apres-midi, quand le
soleil avait perdu de son ardeur. De cette place on jouissait d'une belle
vue de la vallee; mais son principal
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