ient des lors, en perdant un des leurs, il est vrai, acquis la
certitude de notre presence et decouvert notre position. L'avant-garde
battit en retraite avec les memes precautions qu'elle avait prises pour
s'avancer. Les hommes qui avaient tire rechargerent leurs armes, et se
remettant a genoux, se tinrent l'oeil en arret et le fusil arme. Un long
intervalle de temps s'ecoula avant que nous entendissions rien du cote de
l'ennemi, qui, sans doute, etait en train de debattre un plan d'attaque.
Il n'y avait pour eux qu'un moyen de venir a bout de nous, c'etait
d'executer une charge par le _canon_, et de nous attaquer corps a corps.
En faisant ainsi, ils avaient la chance de n'essuyer que la premiere
decharge et d'arriver sur nous avant que nous eussions le temps de
recharger nos armes. Comme ils avaient de beaucoup l'avantage du nombre,
il leur deviendrait facile de gagner la bataille au moyen de leurs longues
lances.
Nous comprenions fort bien tout cela, mais nous savions aussi qu'une
premiere decharge, quand elle est bien dirigee, a pour effet certain
d'arreter court une troupe d'Indiens, et nous comptions la-dessus pour
notre salut. Nous etions convenus de tirer par pelotons, afin de nous
menager une seconde volee si les Indiens ne battaient pas en retraite a la
premiere. Pendant pres d'une heure, les chasseurs resterent accroupis sous
une pluie battante, ne s'occupant que de tenir a l'abri les batteries de
leurs fusils. L'eau commencait a couler en ruisseaux plus rapides entre
les galets et a tourbillonner autour des roches. Elle remplissait le large
canal dans lequel nous etions et nous montait jusqu'a la cheville.
Au-dessus et au-dessous, le courant resserre dans les etranglements du
canal courait avec une impetuosite croissante. Le soleil s'etait couche,
ou du moins avait disparu, et la ravine ou nous nous trouvions etait
completement obscure. Nous attendions avec impatience que l'ennemi se
montrat de nouveau.
--Ils sont peut-etre partis pour faire le tour? suggera un des hommes.
--Non! ils attendront jusqu'a la nuit; alors seulement ils attaqueront.
--Laissez-les attendre, alors, si ca leur plait, murmura Rube. Encore une
demi-heure et ca ira bien; ou c'est que l'Enfant ne comprend plus rien aux
apparences du temps.
--St! st! firent plusieurs hommes, les voici! ils viennent!
Tous les regards se tendirent vers le passage. Des formes noires, en
foule, se montraient a distance, remplissant tout le lit de la
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