etait reel: c'etait une ville. Etait-ce donc la la
_Cibolo_ des peres espagnols? Etait-ce la ville aux portes d'or et aux
tours polies? Apres tout, l'histoire racontee par les pretres voyageurs ne
pouvait-elle pas etre vraie? Qui donc avait demontre que ce fut une fable!
Qui avait jamais penetre dans ces regions ou les recits des pretres
placaient la ville doree de Cibolo? Je vis que Seguin etait, autant que
moi, surpris et embarrasse. Il ne connaissait rien de ce pays. Il avait vu
souvent des mirages, mais pas un seul qui ressemblat a ce que nous avions
sous les yeux.
Pendant quelque temps, nous demeurames immobiles sur nos selles, en proie
a de singulieres emotions. Pousserions-nous en avant? Sans doute. Il nous
fallait arriver a l'eau. Nous mourions de soif. Aiguillonnes par ce
besoin, nous partimes a toute bride. A peine avions-nous couru quelques
pas, qu'un cri simultane fut pousse par tous les chasseurs. Quelque chose
de nouveau,--quelque chose de terrible,--etait devant nous. Pres du pied
de la montagne se montrait une ligne de formes sombres, en mouvement:
c'etaient _des hommes a cheval_! Nous arretames court nos chevaux; notre
troupe entiere fit halte au meme instant.
--Des Indiens! telle fut l'exclamation generale.
--Il faut que ce soient des Indiens murmura Seguin: il n'y a pas d'autres
creatures humaines par ici. Des Indiens! mais non. Jamais il n'y eut
d'Indiens semblables a cela. Voyez! ce ne sont pas des hommes! Regardez
leurs chevaux monstrueux, leurs enormes fusils: _ce sont des geants_! Par
le ciel! continua-t-il apres un moment d'arret, ils sont sans corps, _ce
sont des fantomes_!
Il y eut des exclamations de terreur parmi les chasseurs places en
arriere. Etaient-ce la les habitants de la cite? Il y avait une proportion
parfaite entre la taille colossale des chevaux et celle des cavaliers.
Pendant un moment, la terreur m'envahit comme les autres; mais cela ne
dura qu'un instant. Un souvenir soudain me vint a l'esprit; je me rappelai
les montagnes du Hartz et ses demons. Je reconnus que le phenomene que
nous avions devant nous devait etre le meme, une illusion d'optique, un
effet de mirage. Je levai la main au-dessus de ma tete. Le geant qui etait
devant les autres imita le mouvement. Je piquai de l'eperon les flancs de
mon cheval et galopai en avant. Il fit de meme, comme s'il fut venu a ma
rencontre. Apres quelque temps de galop, j'avais depasse l'angle
reflecteur, et l'ombre du geant disparut
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