pres avoir perdu beaucoup de temps en recherches
infructueuses, nous renoncames, desesperes. Il y avait un passage qui
paraissait traverser la chaine. Nous y entrames et marchames en avant,
silencieux et agites de sinistres pensees. Peu apres nous debuchions de
l'autre cote, et une scene d'un singulier caractere frappait nos yeux.
Devant nous une plaine entouree de tous cotes par de hautes montagnes; a
l'extremite opposee, les monts neigeux prenaient naissance, et montraient
leurs enormes rochers s'elevant verticalement a plus de mille pieds de
hauteur. Les roches noires apparaissaient amoncelees les unes sur les
autres, jusqu'a la limite des neiges immaculees dont les sommets etaient
recouverts. Mais ce qui causait notre principal etonnement, c'etait la
surface de la plaine. Elle etait aussi couverte d'un manteau d'une
eclatante blancheur; cependant la place plus elevee que nous occupions
etait parfaitement nue, et nous y ressentions vivement la chaleur du
soleil. Ce que nous voyions dans la vallee ne pouvait donc pas etre de la
neige.
L'uniformite de la vallee, les montagnes chaotiques, dont elle etait
environnee, m'impressionnaient vivement par leur aspect froid et desole.
Il semblait que tout fut mort autour de nous et que la nature fut
enveloppee dans son linceul. Mes compagnons paraissaient eprouver la meme
sensation que moi, et tout le monde se taisait. Nous descendimes la pente
du defile qui conduisait dans cette singuliere vallee. En vain nos yeux
interrogeaient l'espace: aucune apparence d'eau devant nous. Mais nous
n'avions pas le choix: il fallait traverser. A l'extremite la plus
eloignee, au pied des montagnes neigeuses, nous crumes distinguer une
ligne noire, comme celle d'une rangee d'arbres, et nous nous dirigeames
vers ce point. En arrivant sur la plaine nous trouvames le sol couvert
d'une couche epaisse de soude, blanche comme de la neige. Il y en avait
assez la pour satisfaire aux besoins de toute la race humaine; mais,
depuis sa formation nulle main ne s'etait encore baissee pour la ramasser.
Trois ou quatre massifs de rocher se trouvaient sur notre route, pres de
l'endroit ou le defile debouchait dans la vallee. Pendant que nous les
contournions, nos yeux tomberent sur une large ouverture pratiquee dans
les montagnes qui etaient en face de nous. A travers cette ouverture, les
rayons du soleil brillaient et coupaient en echarpe le paysage d'une
trainee de lumiere jaune. Dans cette lumiere, se jouaien
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