levee et couronnee de sommets neigeux. On
voyait facilement que ces deux chaines etaient distinctes, et la plus
eloignee devait etre d'une prodigieuse elevation. Cela nous etait revele
par les neiges eternelles dont ses pics etaient couverts. Une riviere,
peut-etre celle-la meme que nous cherchions, devait necessairement se
trouver au pied des montagnes neigeuses. Mais la distance etait immense.
Si nous ne trouvions pas un cours d'eau en avant des premieres montagnes,
nous etions grandement exposes a perir de soif. Telle etait notre
perspective. Nous marchions sur un sol aride, a travers des plaines de
lave et de roches aigues qui blessaient les pieds de nos chevaux: et,
parfois, les coupaient. Il n'y avait autour de nous d'autre vegetation que
l'artemise au vert maladif, et le feuillage fetide de la creosote. Aucun
Etre vivant ne se montrait, a l'exception du hideux lezard, du serpent a
sonnettes et des grillons du desert, qui rampaient sur le sol dur, par
myriades, et que nos chevaux ecrasaient sous leurs pieds. "_De l'eau!_"
tel etait le cri qui commencait a etre profere dans toutes les langues.
--_Water!_ criait le trappeur suffoquant.--De l'eau! criait le Canadien.
--_Agua! agua!_ criait le Mexicain.
A moins de vingt milles du San-Carlos, nos gourdes etaient aussi seches
que le rocher. La poussiere de la plaine et la chaleur de l'atmosphere
avaient provoque chez nous une soif intense, et nous avions tout epuise.
Nous etions partis assez tard l'apres-midi. Au soleil couchant, les
montagnes en face de nous semblaient toujours etre a la meme distance.
Nous voyageames toute la nuit, et, quand le soleil se leva, nous en etions
encore tres-eloignes. Cette illusion se produit toujours dans l'atmosphere
transparente de ces regions elevees. Les hommes machonnaient tout en
causant. Ils tenaient dans leur bouche de petites balles, ou des cailloux
d'obsidienne, qu'ils mordaient avec des efforts desesperes. Quand nous
atteignimes les premieres montagnes, le soleil etait deja haut sur
l'horizon. A notre grande consternation, nous n'y trouvames pas une goutte
d'eau! La chaine presentait un front de roches seches, tellement serrees
et steriles, que les buissons de creosote eux-memes ne trouvaient pas de
quoi s'y nourrir. Ces roches etaient aussi depourvues de vegetation que le
jour ou elles etaient sorties de la terre a l'etat de lave. Des
detachements se repandirent dans toutes les directions et grimperent dans
les ravins; mais a
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