arent avidement de ces plantes succulentes, les broient entre les
dents et avalent le jus et les fibres. Ils y trouvent a boire et a manger.
Dieu merci! nous pouvons esperer de les sauver. Nous renouvelons la
provision devant eux jusqu'a ce qu'ils en aient assez. Deux sentinelles
sont entretenues en permanence, l'une sur la crete de la colline, l'autre
en vue de l'ouverture du defile. Les autres restent dans le ravin, et
cherchent, sur les flancs, les fruits coniques du Pinon. C'est ainsi que
se passe notre premiere journee. Jusqu'a une heure tres-avancee de la
soiree, nous voyons les chasseurs Indiens rentrer dans le camp apportant
leur charge de chair de buffalo. Les feux sont partout allumes, et les
sauvages, assis autour, passent presque toute la nuit a faire des
grillades et a manger. Le lendemain, ils ne se levent que tres-tard. C'est
un jour de repos et de paresse; la viande pend aux cordes, et ils ne
peuvent qu'attendre la fin de l'operation. Ils flanent dans le camp; ils
arrangent leurs brides et leurs lassos, ou passent la visite de leurs
armes. Ils menent boire leurs chevaux et les reconduisent au milieu de
l'herbe fraiche. Plus de cent d'entre eux sont incessamment occupes a
faire griller de larges tranches de viandes, et a les manger. C'est un
festin perpetuel. Leurs chiens sont fort affaires aussi, apres les os
depouilles. Ils ne quitteront probablement pas cette curee, et nous
n'avons pas a craindre qu'ils viennent roder du cote de la ravine tant
qu'ils seront ainsi attables. Cela nous rassure un peu. Le soleil est
chaud pendant toute la seconde journee, et nous rotit dans notre ravin
desseche. Cette chaleur redouble notre soif; mais nous sommes loin de nous
en plaindre, car elle hatera le depart des sauvages. Vers le soir, le
_tasajo_ commence a prendre une teinte brune et a se racornir. Encore un
jour comme cela, et il sera bon a empaqueter. Notre eau est epuisee; nous
sucons les feuilles succulentes du cactus, dont l'humidite trompe notre
soif, sans pourtant l'apaiser. La faim se fait sentir de plus en plus
vive. Nous avons mange toutes les noix de pin, et il ne nous reste plus
qu'a tuer un de nos chevaux.
--Attendons jusqu'a demain, propose-t-on. Laissons encore une chance aux
pauvres betes. Qui sait ce qui peut arriver demain matin?
Cette proposition est acceptee. Il n'y a pas un chasseur qui ne regarde la
perte de son cheval comme un des plus grands malheurs qui puisse
l'atteindre dans la prairie.
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