devant des rochers; le crane
sanglant tourne en l'air et vers le dehors de telle sorte qu'il ne pouvait
manquer de frapper les yeux d'un homme venant du cote de la plaine.
Quelques coyotes avaient deja grimpe sur la plate-forme ou etait le
cadavre, et flairaient tout autour, semblant hesiter devant cette masse
hideuse.
--Il ne peut pas manquer de le voir, capitaine, ajouta le chasseur.
--S'il le voit, il faudra nous en defaire par la lance ou par le lasso, ou
le prendre vivant. Que pas un coup de fusil ne soit tire. Les Indiens
pourraient encore l'entendre, et seraient sur notre dos avant que nous
eussions fait le tour de la montagne. Non! mettez vos fusils en
bandouliere! Que ceux qui ont des lances et des lassos se tiennent prets.
--Quand devrons-nous charger, capitaine?
--Laissez-moi le soin de choisir le moment. Peut-etre mettra-t-il pied a
terre pour ramasser son arc, ou bien il viendra a la source pour faire
boire son cheval. Dans ce cas, nous l'entourerons. S'il voit le corps du
Digger, il s'en approchera, peut-etre, pour l'examiner de plus pres. Dans
ce cas encore, nous pourrons facilement lui couper le chemin. Ayez
patience! je vous donnerai le signal..
Pendant ce temps, le Navajo arrivait au grand galop. A la fin du dialogue
precedent, il n'etait plus qu'a trois cents yards de la source, et
avancait sans ralentir son allure. Les yeux fixes sur lui, nous gardions
le silence et retenions notre respiration. L'homme et le cheval
captivaient tous deux notre attention. C'etait un beau spectacle. Le
cheval etait un mustang a large encolure, noir comme le charbon, aux yeux
ardents, aux naseaux rouges et ouverts. Sa bouche etait pleine d'ecume, et
de blancs flocons marbraient son cou, son poitrail et ses epaules. Il
etait couvert de sueur, et on voyait reluire ses flancs vigoureux a chacun
des elans de sa course. Le cavalier etait nu jusqu'a la ceinture; son
casque et ses plumes, quelques ornements qui brillaient sur son cou, sur
sa poitrine et a ses poignets, interrompaient seuls cette nudite. Une
sorte de tunique, de couleur voyante, toute brodee, couvrait ses hanches
et ses cuisses. Les jambes etaient nues a partir du genou, et les pieds
chausses de mocassins qui emboitaient etroitement la cheville. Different
en cela des autres Apaches, il n'avait point de peinture sur le corps, et
sa peau bronzee resplendissait de tout l'eclat de la sante. Ses traits
etaient nobles et belliqueux, son oeil fier et percant,
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