s
la-bas.
--Dis donc, vieux gourmand, tu ne t'inquietes guere de ca toi.
Cette question s'adressait a Rube, qui etait serieusement occupe apres une
cote, et qui ne fit aucune reponse.
--Lui? allons donc, dit un autre, repondant a sa place; Rube a mange plus
d'un bon morceau dans son temps. N'est-ce pas, Rube?
--Oui, et si vous devez vivre dans la montagne aussi longtemps que
l'Enfant, vous serez bien aise de n'avoir jamais a mordre dans une viande
plus repugnante que la viande du loup; croyez-moi, mes petits amours.
--De la chair humaine, peut-etre?
--Oui, c'est ce que Rube veut dire.
--Garcons, dit Rube sans faire attention a la remarque, et paraissant de
bonne humeur depuis que son appetit etait satisfait, quelle est la chose
la plus desagreable, sans parler de la chair humaine, que chacun de vous
ait jamais mangee?
-Eh bien, sans parler de la chair humaine, comme vous dites, repondit un
des chasseurs, le rat musque est la plus detestable viande a laquelle
j'aie mis la dent.
--J'ai mange tout cru un lievre nourri de sauge, dit un autre, et je n'ai
jamais rien trouve d'aussi amer.
--Les hiboux ne valent pas grand-chose, ajouta un troisieme.
--J'ai mange du _chince_,[1] continua un quatrieme, et je dois dire qu'il
y a bien des choses qui sont meilleures.
[Note: Chinche, mouffette, sorte de fouine douee d'une telle puissance
d'infection que son simple passage suffit a empoisonner un endroit clos
pour un mois]
--_Carajo!_ s'ecria un Mexicain, et que dites-vous du singe? J'en ai fait
ma nourriture pendant assez longtemps dans le Sud.
--Oh! je crois volontiers que le singe est une nourriture coriace; mais
j'ai use mes dents apres du cuir sec de buffalo, et je vous prie de croire
que ce n'etait pas tendre.
--L'Enfant, reprit Rube apres que chacun eut dit son mot, l'Enfant a mange
de toutes les creatures que vous avez nommees, si ce n'est pourtant du
singe. Il n'a pas mange de singe, parce qu'il n'y en a pas de ce cote-ci.
Il ne vous dira pas si c'est coriace, si ca ne l'est pas, si c'est amer ou
non; mais, une fois dans sa vie, le vieux negre a mange d'une vermine qui
ne valait pas mieux, si elle valait autant.
--Qu'est-ce que c'etait, Rube? qu'est-ce que c'etait? demanderent-ils tous
a la fois, curieux de savoir ce que le vieux chasseur pouvait avoir mange
de plus repugnant que les viandes deja mentionnees.
--C'etait du vautour noir; voila ce que c'etait.
--Du vautour noir! repetere
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