ce au compas. Puis la
lame brillante passa sous la peau et le scalp fut enleve.
--Et de six, continua-t-il, se parlant a lui-meme en placant le scalp dans
sa ceinture.--Six a cinquante la piece. Trois cents dollars de chevelures
paches. Au diable, ma foi, les trappes et les castors.
Apres avoir mis en surete le trophee sanglant, il essuya son couteau sur
la criniere des buffalos, et se mit en devoir de faire, sur la crosse de
son fusil, une nouvelle entaille a la suite des cinq qui y etaient deja
marquees. Ces six coches indiquaient seulement les Apaches; car, en
regardant le long du bois de l'arme, je vis qu'il y avait plusieurs
colonnes a ce terrible registre.
XXXI
UN AUTRE COUP.
La detonation d'un fusil frappa mes oreilles et detourna mon attention des
faits et gestes du vieux trappeur. En me retournant, je vis un leger nuage
bleu flottant sur la prairie; mais il me fut impossible de deviner sur
quoi le coup avait ete tire. Trente ou quarante chasseurs avaient entoure
l'ilot et restaient immobiles sur leurs selles, formant une sorte de
cercle irregulier. Ils etaient encore a quelque distance du petit bois, et
hors de portee des fleches. Ils tenaient leurs fusils en travers et
echangeaient des cris. Evidemment, le sauvage n'etait pas seul. Il devait
avoir un ou plusieurs compagnons dans le fourre. Toutefois, il ne pouvait
pas y en avoir en grand nombre; car les broussailles inferieures n'etaient
pas capables de receler plus d'une douzaine de corps, et les yeux percants
des chasseurs fouillaient dans toutes les directions. Il me semblait voir
une compagnie de chasseurs dans une bruyere, attendant que le gibier
partit; mais ici, Dieu puissant! le gibier etait de la race humaine!
C'etait un terrible spectacle. Je tournai les yeux du cote de Seguin
pensant qu'il interviendrait peut-etre pour arreter cette atroce _battue_.
Il vit mon regard interrogateur et detourna la tete. Je crus apercevoir
qu'il etait honteux de l'oeuvre a laquelle ses compagnons travaillaient;
mais la necessite commandait de tuer ou de prendre tous les Indiens qui
pouvaient se trouver dans l'ilot; je compris que toute observation de ma
part serait absolument inutile. Quant aux chasseurs eux-memes, ils
n'auraient fait qu'en rire. C'etait leur plaisir et leur profession; et je
suis certain que, dans ce moment, leurs sentiments etaient exactement de
la meme nature que ceux qui agitent les chasseurs en train de debusquer un
ours de sa tani
|