as un peu. Nous avions oublie l'etat de nos
animaux: affaiblis par la diete, engourdis par un repos si prolonge dans
le ravin, et, pour comble, sortant de boire avec exces.
La vitesse superieure de Moro me fit bientot prendre la tete de mes
compagnons. Seul, El-Sol etait encore devant moi, je le vis preparer son
lasso, le lancer et donner la secousse; mais le noeud revint frapper les
flancs de son cheval: il avait manque son coup. Pendant qu'il rassemblait
sa courroie, je le depassai et je pus lire sur sa figure l'expression du
chagrin et du desappointement. Mon arabe s'echauffait a la poursuite, et
j'eus bientot pris une grande avance sur mes camarades. Je me rapprochais
de plus en plus du Navajo; bientot nous ne fumes plus qu'a une douzaine de
pas l'un de l'autre. Je ne savais comment faire. Je tenais mon rifle a la
main et j'aurais pu facilement tirer sur l'Indien par derriere, mais je me
rappelais la recommandation de Seguin et nous etions encore plus pres de
l'ennemi; je ne savais meme pas trop si nous n'etions pas deja en vue de
la bande. Je n'osai donc faire feu. Me servirais-je de mon couteau?
essaierais-je de desarconner mon ennemi avec la crosse de mon fusil?
Pendant que je debattais en moi-meme cette question, Dacoma, regardant
par-dessus son epaule, vit que j'etais seul pres de lui. Immediatement il
fit volte-face et mettant sa lance en arret, vint sur moi au galop. Son
cheval paraissait obeir a la voix et a la pression des genoux sans le
secours des renes. A peine eus-je le temps de parer, avec mon fusil, le
coup qui m'arrivait en pleine poitrine. Le fer, detourne, m'atteignit au
bras et entama les chairs. Mon rifle, violemment choque par le bois de la
lance, echappa de mes mains. La blessure, la secousse et la perte de mon
arme m'avaient derange dans le maniement de mon cheval et il se passa
quelques instants avant que je pusse saisir la bride pour le faire
retourner. Mon antagoniste, lui, avait fait demi-tour aussitot, et je m'en
apercus au sifflement d'une fleche qui me passa dans les cheveux au-dessus
de l'oreille droite. Au moment ou je faisais face de nouveau, une autre
fleche etait posee sur la corde, partait et me traversait le bras droit.
L'exasperation me fit perdre toute prudence et, tirant un pistolet de mes
fontes, je l'armai et galopai en avant. C'etait le seul moyen de preserver
ma vie. Au meme moment, l'Indien laissant la son arc, se disposa a me
charger encore avec sa lance, et se precipita
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