terre et, ramassant l'arc, se remit immediatement en selle.
--Superbe! s'ecria le toreador.
--Par le diable! c'est dommage de le tuer, murmura un chasseur; et un
sourd murmure d'admiration se fit entendre au milieu de tous ces hommes.
Apres quelque temps de galop, l'Indien fit brusquement volte-face et il
etait sur le point de repartir, quand son regard fut attire par le crane
sanglant du Yamparico. Sous la secousse des renes, son cheval ploya les
jarrets jusqu'a terre, et l'Indien resta immobile, considerant le corps
avec surprise.
--Superbe! superbe! s'ecria encore Sanchez. _Caramba_, il est superbe!
C'etait en effet un des plus beaux tableaux que l'on put voir. Le cheval
avec sa queue etalee a terre, la criniere herissee et les naseaux fumants,
fremissant de tout son corps sous le geste de son intrepide cavalier; le
cavalier lui-meme avec son casque brillant, aux plumes ondoyantes, sa peau
bronzee, son port ferme et gracieux et l'oeil fixe sur l'objet qui causait
son etonnement.
C'etait, comme Sanchez l'avait dit, un magnifique tableau, une statue
vivante, et nous etions tous frappes d'admiration en le regardant. Pas un
de nous, a une exception pres cependant, n'aurait voulu tirer le coup
destine a jeter cette statue en bas de son piedestal. Le cheval et l'homme
resterent quelques moments dans cette attitude. Puis la figure du cavalier
changea tout a coup d'expression. Il jeta autour de lui un regard
inquisiteur et presque effraye. Ses yeux s'arreterent sur l'eau encore
troublee par suite du pietinement de nos chevaux. Un coup d'oeil lui
suffit; et, sous une nouvelle secousse de la bride, le cheval se releva et
partit au galop a travers la prairie. Au meme instant, le signal de
charger nous etait donne et, nous elancant en avant, nous sortions du
fourre tous ensemble. Nous avions a traverser un petit ruisseau. Seguin
etait a quelques pas devant; je vis son cheval butter, broncher sur la
rive et tomber, sur le flanc, dans l'eau! Tous les autres franchirent
l'obstacle. Je ne m'arretai pas pour regarder en arriere; la prise de
l'Indien etait une question de vie ou de mort pour nous tous. J'enfoncai
l'eperon vigoureusement, continuant la poursuite. Pendant quelque temps,
nous galopames de front en groupe serre. Quant nous fumes au milieu de la
plaine, nous vimes l'Indien, a peu pres a douze longueurs de cheval de
nous, et nous nous apercumes avec inquietude qu'il conservait sa distance,
si meme il ne gagnait p
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