ee; nous entendimes un
froissement sous le bois, et le bruit des pas qui s'eloignaient. Mais,
retenus par un sentiment delicat de reserve, et craignant de mecontenter
son frere, personne de nous ne tenta de la suivre. Les morceaux de la
gourde furent trouves par terre. Ils portaient la marque de la balle qui
s'etait enfoncee dans le tronc de l'arbre; l'un des chasseurs se mit en
devoir de l'en extraire avec la pointe de son couteau.
Quand nous revinmes sur nos pas, l'Indien s'etait eloigne et se tenait
aupres de Seguin, avec qui il causait familierement. Comme nous rentrions
dans le camp, je vis Garey qui se baissait et ramassait un objet brillant.
C'etait son _gage d'amour_ qu'il replacait avec soin autour de son cou a
la place accoutumee. A sa physionomie et a la maniere dont il le caressait
de la main, on pouvait juger que le chasseur considerait ce souvenir avec
plus de complaisance et de respect que jamais.
XXI
DE PLUS FORT EN PLUS FORT.
J'etais plonge dans une sorte de reverie, mon esprit repassait les
evenements dont je venais d'etre temoin, quand une voix, que je reconnus
pour etre celle du vieux Rube, me tira de ma preoccupation.
--Attention, vous autres, garcons! Les coups du vieux Rube ne sont pas a
mepriser, et, si je ne fais pas mieux que cet Indien, vous pourrez me
couper les oreilles.
Un rire bruyant accueillit cette allusion du trappeur, a ses oreilles
dont, ainsi que je l'ai dit, il etait deja prive; elles avaient ete
coupees de si pres qu'il ne restait plus la moindre prise au couteau ou
aux ciseaux.
--Comment vas-tu faire, Rube? cria un des chasseurs. Vas-tu tirer le but
sur ta propre tete?
--Attendez un peu, vous allez voir, repliqua Rube, se dirigeant vers un
arbre, et tirant de son repos un long et lourd rifle qu'il se mit a
essuyer avec soin.
L'attention se porta alors sur les mouvements du trappeur. On se mit a
batir des conjectures sur ce qu'il voulait faire. Par quel exploit
voulait-il donc eclipser le coup dont on venait d'etre temoin? Personne ne
pouvait le deviner.
--Je le battrai, continua-t-il en rechargeant son fusil, ou bien vous
pourrez me couper le petit doigt de la main droite. Un autre eclat de rire
se fit entendre, car chacun pouvait voir que ce doigt lui manquait deja.
--Oui, oui, oui, dit-il encore regardant en face tous ceux qui
l'entouraient; je veux etre scalpe si je ne fais pas mieux que lui.
A cette derniere boutade, les rires redoublerent, ca
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