s alors la partie ouest de la _jornada_.
Nous marchions en file indienne. L'habitude a fait prevaloir cette
disposition parmi les Indiens et les chasseurs quand ils sont en marche.
Les passages resserres des forets et les defiles etroits des montagnes
n'en permettent pas d'autre. Et meme, lorsque nous etions en pays plat,
notre cavalcade occupait une longueur de pres d'un quart de mille.
L'_atajo_[1] suivait sous la conduite des _arrieros._
[Note 1: Convoi des mules de bagages.]
Nous fimes notre premiere journee sans nous arreter. Il n'y avait ni herbe
ni eau sur notre route, et une halte sous les rayons ardents du soleil
n'aurait pas ete de nature a nous rafraichir. De bonne heure, dans
l'apres-midi, une ligne noire, traversant la plaine, nous apparut dans le
lointain. En nous rapprochant, nous vimes un mur de verdure devant nous,
et nous reconnumes un bois de cotonniers. Les chasseurs le signalerent
comme etant le bois de Paloma. Peu apres, nous nous engagions sous l'ombre
de ces voutes tremblantes, et nous atteignions les bords d'un clair
ruisseau ou nous etablimes notre halte pour la nuit.
Pour installer notre campement, nous n'avions plus ni tentes ni cabanes;
les tentes dont on s'etait servi sur le Del-Norte avaient ete laissees en
arriere et cachees dans le fourre. Une expedition comme la notre exigeait
que l'on ne fut pas encombre de bagages. Chacun n'avait que sa couverture
pour abri, pour lit et pour manteau. On alluma les feux et l'on fit rotir
la viande. Fatigues de notre route (le premier jour de marche a cheval, il
en est toujours ainsi), nous fumes bientot enveloppes dans nos couvertures
et plonges dans un profond sommeil. Le lendemain matin, nous fumes tires
du repos par les sons du clairon qui sonnait le _reveil_. La troupe avait
une sorte d'organisation militaire, et chacun obeissait aux sonneries,
comme dans un regiment de cavalerie legere. Apres un dejeuner lestement
prepare et plus lestement avale, nos chevaux furent detaches de leurs
piquets, selles, enfourches, et, a un nouveau signal, nous nous mettions
en route. Les jours suivants ne furent marques par aucun incident digne
d'etre remarque. Le sol sterile etait, ca et la, couvert de sauge sauvage
et de _mesquite_. Il y avait aussi des massifs de cactus et d'epais
buissons de creosote qui exhalaient leur odeur nauseabonde au choc du
sabot de nos montures. Le quatrieme soir nous campions pres d'une source,
l'_Ojo de Vaca_, situee sur la frontie
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