e surface de peau graisseuse qui
s'harmonisait parfaitement avec les autres parties de l'habillement. Le
bonnet, la blouse, les jambards et les mocassins, semblaient n'avoir
jamais ete otes depuis le jour ou ils avaient ete mis pour la premiere
fois, et cela devait avoir eu lieu nombre d'annees auparavant. La blouse
ouverte laissait a nu la poitrine et le cou qui, aussi bien que la figure,
les mains et les chevilles avaient pris, sous l'action du soleil et de la
fumee des bivouacs, la couleur du cuivre brut. L'homme tout entier,
l'habillement compris, semblait avoir ete enfume a dessein! Sa figure
annoncait environ soixante ans. Ses traits etaient fins et legerement
aquilins; son petit oeil noir vif et percant. Ses cheveux noirs etaient
coupes courts. Son teint avait du etre originairement brun, et nonobstant,
il n'y avait rien de francais ou d'espagnol dans sa physionomie. Il
paraissait plutot appartenir a la race des Saxons bruns.
Pendant que je regardais aussi cet homme vers lequel la curiosite m'avait
attire, je crus m'apercevoir qu'il y avait en lui quelque chose de
particulierement etrange, en dehors de la bizarrerie de son accoutrement.
Il semblait qu'il manquat quelque chose a sa tete. Qu'est-ce que cela
pouvait etre? Je ne fus pas longtemps a le decouvrir. Lorsque je fus en
face de lui, je vis que ce qui lui manquait, c'etaient... ses oreilles.
Cette decouverte me causa une impression voisine de la crainte. Il y a
quelque chose de saisissant dans l'aspect d'un homme prive de ses
oreilles. Cela eveille l'idee de quelque drame epouvantable, de quelque
scene terrible, d'une cruelle vengeance; cela fait penser au chatiment de
quelque crime affreux. Mon esprit s'egarait dans diverses hypotheses,
lorsque je me rappelai un detail mentionne par Seguin, la nuit precedente.
J'avais devant les yeux, sans doute, l'individu dont il m'avait parle. Je
me sentis tranquillise. Apres avoir fait la reponse mentionnee plus haut,
cet homme singulier resta assis quelques instants, la tete entre les
genoux, ruminant, marmottant et grognant comme un vieux loup maigre dont
on troublerait le repas.
--Viens ici, Rube! j'ai besoin de toi un instant, continua Garey d'un ton
presque menacant.
--T'as beau avoir besoin de moi; l'Enfant ne se derangera pas qu'il n'ait
fini de nettoyer son os; il ne peut pas maintenant.
--Allons, vieux chien, depeche-toi alors!
Et l'impatient trappeur, posant la crosse de son fusil a terre, attendit
s
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