faire au fort de Bent, pour amuser les enfants. Ca n'a rien de bien
extraordinaire comme coup; mais ca remue un peu les nerfs, faut le dire.
He! oh! Rube!
--Au diable, qu'est-ce que tu veux?
Ces mots furent prononces avec une energie et un ton de mauvaise humeur
qui firent tourner tous les yeux vers l'endroit d'ou ils etaient sortis.
Au premier abord, il semblait qu'il n'y eut personne dans cette direction.
Mais, en regardant avec plus de soin a travers les troncs d'arbres et les
cepees, on decouvrait un individu assis aupres d'un des feux. Il aurait
ete difficile de reconnaitre que c'etait un corps humain, n'eut ete le
mouvement des bras. Le dos etait tourne du cote de la foule, et la tete,
penchee du cote du feu, n'etait pas visible. D'ou nous etions, cela
ressemblait plutot a un tronc de cotonnier recouvert d'une peau de
Chevreuil terreuse qu'a un corps humain. En s'approchant et en le
regardant par devant, on reconnaissait avoir affaire a un homme tres
extraordinaire il est vrai, tenant a deux mains une longue cote de daim,
et la rongeant avec ce qui lui restait de dents. L'aspect general de cet
individu avait quelque chose de bizarre et de frappant. Son habillement,
si on pouvait appeler cela un habillement, etait aussi simple que sauvage.
Il se composait d'une chose qui pouvait avoir ete autrefois une blouse de
chasse, mais qui ressemblait beaucoup plus alors a un sac de peau, dont on
aurait ouvert les bouts et aux cotes duquel on aurait cousu des manches.
Ce sac etait d'une couleur brun sale; les manches, rapees et froncees aux
plis des bras etaient attachees autour des poignets; il etait graisseux du
haut en bas, et emaille ca et la de plaques de boue! On n'y voyait aucun
essai d'ornements ou de franges. Il y avait eu autrefois un collet, mais
on l'avait evidemment rogne, de temps en temps, soit pour rapiecer le
reste, soit pour tout autre motif, et a peine en restait-il vestige. Les
guetres et les mocassins allaient de pair avec la blouse et semblaient
sortir de la meme piece. Ils etaient aussi d'un brun sale, rapieces, rapes
et graisseux. Ces deux parties du vetement ne se rejoignaient pas, mais
laissaient a nu une partie des chevilles qui, elles aussi, etaient d'un
brun sale, comme la peau de daim. On ne voyait ni chemise, ni veste, ni
aucun autre vetement, a l'exception d'une etroite casquette qui avait ete
autrefois un bonnet de peau de chat, mais dont tous les poils etaient
partis laissant a decouvert un
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