tait rien moins que leur repos a tous, leur bonheur, la vie de sa
femme, l'avenir de sa fille, qu'il allait remettre aux mains de celui
qu'il consulterait; et, devant une aussi lourde responsabilite, il avait
le droit de rester hesitant, plus que le droit, le devoir.
Qu'etait au juste Rebenacq; en realite, il ne le savait pas. Sans doute,
il avait les meilleures raisons pour le croire honnete et droit, et il
l'avait toujours vu tel, depuis qu'ils se connaissaient. Mais enfin,
l'honnetete et la droiture sont des qualites de caractere, non d'esprit,
on peut etre le plus honnete homme du monde, le plus delicat dans la
vie, et avoir en meme temps le jugement faux. Or, s'il lui soumettait ce
testament, ce serait a son jugement qu'il ferait appel, et non a son
caractere. D'ailleurs, il fallait considerer aussi que les motifs de ce
jugement seraient dictes par les habitudes professionnelles du notaire,
par ses opinions, qui seraient plutot moyennes que personnelles, et la
se trouvait un danger qui pouvait tres legitimement inspirer la
defiance: s'il se recusait lui-meme, parce qu'il avait peur de se
laisser influencer par son propre interet, ne pouvait-il pas craindre
que Rebenacq, de son cote, ne se laissat influencer par sa qualite de
notaire qui lui ferait voir dans ce testament le fait materiel l'acte
meme qu'il tiendrait entre ses mains, plutot que les intentions de celui
qui l'avait ecrit?
Et la-dessus, malgre toutes ses tergiversations, il ne variait point:
avant tout, ce qu'il fallait considerer, c'etaient les intentions de
Gaston qui, quelles qu'elles fussent, devaient etre executees.
A la verite, c'etait revenir a son point de depart et reprendre les
raisonnements qui l'avaient amene a conclure que le testament du 11
novembre ne pouvait etre que nul, c'est-a-dire a tourner dans le vide en
realite puisqu'il se refusait, par scrupules de conscience, a s'arreter
a cette conclusion, basee sur la stricte observation des faits cependant
en meme temps que sur la logique.
Allait-il donc se laisser reprendre et enfievrer par ses angoisses de la
nuit precedente, compliquees maintenant des scrupules qui s'etaient
eveilles en lui lorsqu'il avait compris qu'il pouvait tres bien, a son
insu, se laisser influencer par l'interet personnel et par son amour
pour les siens?
Il avait beau se dire qu'il etait de bonne foi dans ses raisonnements et
n'admettait comme vrais que ceux qui lui paraissaient conformes a la
logique, il
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