nous derangez nullement; les bras de ma fille pas plus
que les miens ne sont indispensables a la rentree de nos foins.
--Au moins s'y emploient-ils.
--Je trouve tres amusant de jouer a la paysanne, dit Anie.
--Vous aimez la campagne, mademoiselle?
--Je l'adore.
Le baron parut ravi de cette reponse.
L'entretien continua; puis il languit; le baron paraissait preoccupe,
peut-etre meme embarrasse; en tout cas, il ne montrait pas son aisance
habituelle; alors Anie s'eloigna sous pretexte d'un ordre a donner, et
rejoignit les faneuses qui avaient repris le travail.
Pendant plus d'une heure elle vit son pere et le baron marcher a travers
la prairie, allant jusqu'aux jardins, puis revenant sur leurs pas, et
comme le terrain etait parfaitement plane sans aucune touffe d'arbuste,
elle pouvait suivre leurs mouvements: ceux du baron etaient vifs,
demonstratifs, passionnes; ceux de son pere, reserves; evidemment, l'un
parlait et l'autre ecoutait.
Plusieurs fois, en les voyant revenir, elle crut que cette longue
conversation avait pris fin, et que le baron voulait lui faire ses
adieux, mais toujours ils repartaient et les grands gestes continuaient.
A la fin, cependant, ils se dirigerent vers elle de facon a ce qu'elle
ne put pas se tromper; alors elle alla au-devant d'eux; cette fois
c'etait bien pour prendre conge d'elle.
Lorsqu'il eut disparu au bout de la prairie, Barincq dit a sa fille de
laisser la sa fourche et de l'accompagner, mais ce fut seulement quand
il n'y eut plus d'oreilles curieuses a craindre qu'il se decida a
parler:
--Sais-tu ce que voulait M. d'Arjuzanx?
--Te parler de choses serieuses, si j'en juge par sa pantomime.
--Te demander en mariage.
--Ah!
--C'est tout ce que tu me reponds?
--Je ne peux pas te dire que je suis profondement surprise de cette
demande, ni que j'en suis ravie, ni que j'en suis fachee, alors je dis:
ah! pour dire quelque chose.
--Il ne te plait point?
--Je serais fachee de sa demande.
--Il te plait?
--J'en serais heureuse.
--Alors?
--Alors veux-tu repondre a mes questions, au lieu que je reponde aux
tiennes?
Il fit un signe affirmatif.
--Avant tout, dis-moi si la question d'interet a ete abordee entre vous.
--Elle l'a ete.
--Sur quelle dot compte-t-il?
--Il n'en demande pas.
--Mais il en accepte une?
--C'est-a-dire...
--Laquelle?
--Ne crois pas que c'est pour ta fortune que le baron veut t'epouser:
c'est pour toi; c'
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