benacq.
Sans doute ce n'etait la qu'une hypothese, mais ce qui lui donnait une
grande force, c'etait l'endroit meme ou le testament avait ete
decouvert, non dans le tiroir des papiers de famille, non dans celui qui
renfermait les lettres de Leontine Dufourcq et du capitaine, mais dans
un autre, ou ne se trouvaient que des pieces a peu pres insignifiantes.
Est-ce que, si Gaston l'avait considere comme l'acte de sa derniere
volonte, il l'aurait ainsi mis au rancart? au contraire, apres l'avoir
retire de chez Rebenacq, ne l'aurait-il pas soigneusement serre?
Pour etre subtil, ce raisonnement n'en reposait pas moins sur la
vraisemblance, en meme temps que sur la connaissance du caractere de
Gaston, qui ne faisait rien a la legere.
A la verite on pouvait se demander, et on devait meme se demander
pourquoi, l'ayant pris pour le detruire ou le modifier, on le retrouvait
intact, tel qu'il avait ete redige dans sa forme primitive; mais cette
question portait avec elle sa reponse, aussi simple que logique: pour le
detruire, il avait attendu d'en avoir fait un autre, et
vraisemblablement, le jour ou il aurait remis au notaire le second
testament, expression de sa volonte, il aurait brule ou dechire le
premier.
Il ne l'avait pas fait, cela etait certain, puisque ce premier testament
existait, mais ce qui etait non moins certain, c'etait qu'il avait voulu
le faire; or, lorsqu'il s'agit de testament, c'est l'intention du
testateur qui prime tout, et cette intention se manifestait clairement,
aussi bien par le retrait du testament de chez le notaire que par le peu
de soin accorde a ce papier, insignifiant desormais.
Lorsque nous heritons d'un parent qui nous est proche, d'un pere, d'un
frere, ce n'est pas seulement a sa fortune que nous succedons, c'est
aussi a ses intentions, et c'est par la surtout que nous le continuons.
Serait-ce continuer Gaston, serait-ce suivre ses intentions que
d'accepter comme valable ce testament?
De bonne foi, et sa conscience sincerement interrogee, il ne le croyait
pas.
IX
Ce ne fut qu'apres etre arrive a cette conclusion qu'il trouva au matin
un peu de sommeil; une heure suffit pour calmer la tempete qui l'avait
si violemment secoue, et lorsqu'il s'eveilla; il se sentit l'esprit
tranquille, le corps dispos, dans l'etat ou il etait tous les jours
depuis son sejour a Ourteau.
Apres avoir fait sa tournee du matin dans les etables et la laiterie, il
monta a cheval pour aller
|