volonte.
Qui dit testament dit acte de derniere volonte; cela est si vrai que les
deux mots sont synonymes dans la langue courante; incontestablement a un
moment donne Gaston avait voulu que le capitaine fut son legataire
universel; mais le voulait-il encore quelque temps avant de mourir?
Toute la question etait la; s'il le voulait, ce testament etait bien
l'acte de sa derniere volonte, et alors on devait l'executer; si au
contraire il ne le voulait plus, ce testament n'etait pas cet acte
supreme, et, consequemment, il n'avait d'autre valeur que celle d'un
brouillon, d'un chiffon de papier qu'on jette au panier ou il doit
rester lettre morte sans qu'un hasard puisse lui rendre la vie.
On aurait decouvert ce testament dans les papiers de Gaston a
l'inventaire, sans qu'il eut jamais quitte le tiroir dans lequel il
aurait ete enferme au moment meme de sa confection, que la question
d'intention ne se serait pas presentee a l'esprit: on trouvait un
testament et les presomptions etaient qu'il exprimait la volonte du
testateur, aussi bien a la date du onze novembre mil huit cent
quatre-vingt-quatre, qu'au moment meme de la mort, puisqu'aucun autre
testament ne modifiait ou ne detruisait celui-la: le onze novembre
Gaston avait voulu que le capitaine heritat de sa fortune, et il le
voulait encore en mourant.
Mais ce n'etait pas du tout de cette facon que les choses s'etaient
passees, et, la situation etant toute differente, les presomptions
basees sur ce raisonnement ne lui etaient nullement applicables.
Ce testament fait a cette date du onze novembre, alors que Gaston avait,
il fallait l'admettre, de bonnes raisons pour preferer a sa famille un
etranger et le choisir comme legataire universel, avait ete depose chez
Rebenacq ou il etait reste plusieurs annees; puis, un jour, ce depot
avait ete repris pour de bonnes raisons aussi, sans aucun doute, car on
ne retire pas son testament a un notaire en qui l'on a confiance--et
Gaston avait pleine confiance en Rebenacq--pour rien ou pour le plaisir
de le relire.
S'il etait logique de supposer que les bonnes raisons qui avaient dicte
le choix du onze novembre s'appuyaient sur la conviction ou se trouvait
Gaston a ce moment que le capitaine etait son fils, n'etait-il pas tout
aussi logique d'admettre que celles, non moins bonnes, qui, plusieurs
annees apres, avaient fait reprendre ce testament, reposaient sur des
doutes graves relatifs a cette paternite?
Dans la lucidite
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