foule l'acclamait avec
des trepignements qui menacaient de faire ecrouler le cirque sous les
battements de pieds.
--Quelle emotion vous nous avez donnee! dit madame Barincq en le
complimentant.
--Je regrette de n'avoir pas eu le temps de vous affirmer que je ne
courais aucun danger, dit-il simplement, avec une entiere sincerite.
Une clameur lui coupa la parole, la Moulasse venait de surprendre un
ecarteur et elle le secouait au bout de ses cornes engagees dans la
ceinture qui le serrait a la taille; on se jeta sur elle, et il retomba
sur ses pieds pour se sauver en boitant.
--Vous voyez, dit madame Barincq, le premier moment d'emoi calme.
--C'est un maladroit.
--Crois-tu maintenant que M. d'Arjuzanx tienne a te plaire? dit madame
Barincq a sa fille, lorsqu'apres la course ils se retrouverent tous les
trois installes dans leur landau.
--En quoi?
--En sautant dans l'arene pour te montrer son courage.
--Cela ne m'a pas plu du tout.
--Tu as eu peur?
--Pas assez pour ne pas trouver qu'il etait peu digne d'un homme de son
rang de s'offrir ainsi en spectacle.
V
Anie, qui tous les matins donnait regulierement quelques heures a la
peinture, de son lever au dejeuner, travaillait volontiers dans
l'apres-midi avec son pere, et c'etait pour elle un plaisir de faner les
foins qu'on fauchait dans les prairies et dans les iles du Gave: sa
fourche a la main, elle epandait son andain sans rester en arriere; et
le soir venu, quand on chargeait l'herbe sechee sur les chars, elle
apportait bravement son tas aussi lourd que celui des autres faneuses.
Ces gouts champetres fachaient sa mere qui les trouvait peu compatibles
avec la dignite d'une chatelaine comme elle trouvait le soleil malsain
et dangereux; n'est-ce pas lui qui est le pere de tous nos maux, des
insolations, des fluxions de poitrine et des taches de rousseur? Pour se
preserver de ces dangers, elle prenait toutes sortes de precautions,
mais sans pouvoir les imposer, comme elle l'eut voulu, a sa fille, qui
n'acceptait les grands chapeaux de paille, les voiles de gaze et les
gants montant jusqu'au coude que pour les abandonner a la premiere
occasion.
Par contre, ces gouts et cette liberte d'allures faisaient la joie de
son pere qui des sa premiere enfance avait passionnement aime le travail
des champs, labourant aussitot que ses bras avaient ete assez longs pour
tenir les emmanchons, fauchant aussitot qu'on lui avait permis de
toucher a
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