autres portent toujours le foulard de soie
aux couleurs eclatantes qui donne l'accent du pays.
Quand le landau de la famille Barincq, apres avoir traverse les rues
pavoisees, s'arreta devant l'auberge de la _Belle-Hotesse_, il se
produisit un mouvement de curiosite dans la foule: car, si les
charrettes et meme les carrioles a anes etaient nombreuses, un landau
etait un evenement dans le village.
Des eclats de cornet a piston et des ronflements d'ophicleide dominaient
les rumeurs: c'etait la fanfare qui, au loin, parcourait les rues en
sonnant le rappel, et de partout on se dirigeait vers les arenes
etablies sur la place confisquee a leur profit. Construites en pin des
landes dont les planches nouvellement debitees exsudaient sous les
rayons d'un soleil de feu leurs dernieres gouttes de resine en larmes
blanches, elles repandaient dans l'air une forte odeur terebenthinee.
Leur simplicite etait tout a fait primitive: des gradins en bois brut,
et c'etait tout; les premieres avaient le soleil dans le dos, les
petites places dans les yeux; rien de plus, mais cette disposition etait
d'importance capitale dans un pays ou ses rayons sont assez ardents pour
faire accepter sans sourire la vieille image des fleches d'Apollon.
--Certainement, nous allons etre rotis, dit madame Barincq en
s'installant au premier rang.
Apres dix minutes elle etait encore a chercher un moyen pour echapper a
cette cuisson, quand le baron d'Arjuzanx parut a l'entree de la tribune;
en le voyant se diriger de leur cote, elle ne pensa plus au soleil ni a
la chaleur.
--Voila le baron, dit-elle a Anie.
--Ne comptais-tu pas sur lui?
Quand les premiers mots de politesse furent echanges, Anie, fidele a
son idee, tint a bien marquer qu'elle n'etait pas venue pour le
rencontrer:
--Mon pere nous a si souvent parle des courses landaises, dit-elle, que
nous avons voulu profiter de la premiere occasion qui s'offrait a courte
distance, pour en voir une.
--Et vous etes bien tombee, repondit-il, en choisissant Habas. La
journee sera, je le crois, interessante: les betes sont vives, et les
ecarteurs comptent parmi les meilleurs que nous ayons: Saint-Jean,
Boniface, Omer, et aussi le Marin et Daverat, qui sont plutot sauteurs
qu'ecarteurs, mais qui vous etonneront certainement par leur souplesse.
--Il y a une difference entre un ecarteur et un sauteur? demanda madame
Barincq.
--L'ecarteur attend de pied ferme la bete qui se precipite sur lui, et
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