ersation, et sut la maintenir sur des
sujets qui ne permettaient pas de revenir a M. d'Arjuzanx, et de laisser
supposer au capitaine qu'elle s'interessait a cette sorte d'enquete sur
le compte d'un homme avec qui elle s'etait rencontree une fois.
L'obsession du mariage l'avait trop longtemps tourmentee pour qu'elle
n'eprouvat pas un sentiment de delivrance a en etre enfin debarrassee.
C'avait ete l'humiliation de ses annees de jeunesse, de discuter avec sa
mere la question de savoir si tel homme qu'elle avait vu ou devait voir
pouvait faire un mari; si elle lui avait plu; s'il etait acceptable; les
avantages qu'il offrait ou n'offrait point. Maintenant que la fortune
lui donnait la liberte, elle ne voulait plus de ces marchandages. Qu'un
mari se presentat, elle verrait si elle l'acceptait. Mais aller au
devant de lui, c'etait ce qu'elle ne voulait pas.
Et le soir meme, apres le depart du capitaine, elle s'expliqua la-dessus
avec sa mere tres franchement.
--Est-ce que bien souvent je n'ai pas pris des renseignements sur un
jeune homme sans que tu t'en faches? dit celle-ci surprise.
--Les temps sont changes. C'est precisement parce que cela s'est fait
que je ne veux plus que cela se fasse. Est-ce que le meilleur de la
fortune n'est pas precisement de nous degager des compromis de la
misere? riche d'argent, laisse-moi l'etre de dignite.
Mais ces observations n'empecherent pas madame Barincq de persister dans
son envie d'aller le dimanche aux courses d'Habas.
--Rencontrer M. d'Arjuzanx n'est pas le chercher, et nous n'avons pas
de raison pour le fuir.
--Pourvu qu'on ne s'imagine pas que je suis une fille en peine de maris,
c'est tout ce que je demande, et cela, je me charge de le faire
comprendre sans qu'on puisse se tromper sur mes intentions.
IV
Habas, qui n'est qu'un village des Landes, a cependant des courses tres
suivies, et, le dimanche de juillet ou elles ont lieu, c'est sur les
routes qui aboutissent a son clocher une procession de voitures dans
laquelle se trouvent representes tous les genres de vehicules en usage
dans la contree; le long des haies vertes festonnees de ronces et de
clematites, sous le couvert des chataigniers, les pietons se suivent a
la file, les pieds chausses d'espadrilles neuves, le beret rabattu sur
les yeux en visiere, le ventre serre dans une belle ceinture rouge ou
bleue; et si quelques femmes sont fieres d'etre coiffees du chapeau de
paille a la mode de Paris, d'
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