t Anne d'Autriche. Ces moeurs
furent peut-etre utiles dans un temps ou la noblesse, divisee,
n'avait d'autre point de ralliement que la galanterie. Alors les
femmes, regnant seules, avaient le privilege d'entretenir la
valeur des gentilshommes par des essais frequents. Mais
aujourd'hui, Dieu soit loue! il n'y a qu'un seul maitre en France.
A ce maitre est du le concours de toute force et de toute pensee.
Je ne souffrirai pas qu'on enleve a mon fils un de ses serviteurs.
Elle se tourna vers la jeune reine.
-- Que faire a cette La Valliere? dit-elle.
-- La Valliere? fit la reine paraissant surprise. Je ne connais
pas ce nom.
Et cette reponse fut accompagnee d'un de ces sourires glaces qui
vont seulement aux bouches royales.
Madame etait elle-meme une grande princesse, grande par l'esprit,
la naissance et l'orgueil; toutefois, le poids de cette reponse
l'ecrasa; elle fut obligee d'attendre un moment pour se remettre.
-- C'est une de mes filles d'honneur, repliqua-t-elle avec un
salut.
-- Alors, repliqua Marie-Therese du meme ton, c'est votre affaire,
ma soeur... non la notre.
-- Pardon, reprit Anne d'Autriche, c'est mon affaire, a moi. Et je
comprends fort bien, poursuivit-elle en adressant a Madame un
regard d'intelligence, je comprends pourquoi Madame m'a dit ce
qu'elle vient de me dire.
-- Vous, ce qui emane de vous, madame, dit la princesse anglaise,
sort de la bouche de la Sagesse.
-- En renvoyant cette fille dans son pays, dit Marie-Therese avec
douceur, on lui ferait une pension.
-- Sur ma cassette! s'ecria vivement Madame.
-- Non, non, madame, interrompit Anne d'Autriche, pas d'eclat,
s'il vous plait. Le roi n'aime pas qu'on fasse parler mal des
dames. Que tout ceci, s'il vous plait, s'acheve en famille.
-- Madame, vous aurez l'obligeance de faire mander ici cette
fille.
-- Vous, ma fille, vous serez assez bonne pour rentrer un moment
chez vous.
Les prieres de la vieille reine etaient des ordres. Marie-Therese
se leva pour rentrer dans son appartement, et Madame pour faire
appeler La Valliere par un page.
Chapitre CLXIII -- Premiere querelle
La Valliere entra chez la reine mere, sans se douter le moins du
monde qu'il se fut trame contre elle un complot dangereux.
Elle croyait qu'il s'agissait du service, et jamais la reine mere
n'avait ete mauvaise pour elle en pareille circonstance.
D'ailleurs, ne ressortissant pas immediatement a l'autorite d'Anne
d'Autriche, elle
|