e, dit le roi.
-- La poussiere du chemin, Sire.
-- Mais non, mais non, vous n'avez pas cet air de satisfaction qui
vous rend si belle et si attrayante. Vous ne me regardez pas.
-- Sire!
-- Que dis-je! vous evitez mes regards.
Elle se detournait en effet.
-- Mais, au nom du Ciel, qu'y a-t-il? demanda Louis, dont le sang
bouillait.
-- Rien, encore une fois, Sire; et je suis prete a montrer a Votre
Majeste que mon esprit est aussi libre qu'elle le desire.
-- Votre esprit libre, quand je vous vois embarrassee de tout,
meme de votre geste! Est-ce que l'on vous aurait blessee, fachee?
-- Non, non, Sire.
-- Oh! c'est qu'il faudrait me le declarer! dit le jeune prince
avec des yeux etincelants.
-- Mais personne, Sire, personne ne m'a offensee.
-- Alors, voyons, reprenez cette reveuse gaiete ou cette joyeuse
melancolie que j'aimais en vous ce matin; voyons... de grace!
-- Oui, Sire, oui!
Le roi frappa du pied.
-- Voila qui est inexplicable, dit-il, un changement pareil!
Et il regarda de Saint-Aignan, qui, lui aussi, s'apercevait bien
de cette morne langueur de La Valliere, comme aussi de
l'impatience du roi.
Louis eut beau prier, il eut beau s'ingenier a combattre cette
disposition fatale, la jeune fille etait brisee; l'aspect meme de
la mort ne l'eut pas reveillee de sa torpeur.
Le roi vit dans cette negative facilite un mystere desobligeant;
il se mit a regarder autour de lui d'un air soupconneux.
Justement il y avait dans la chambre de La Valliere un portrait en
miniature d'Athos.
Le roi vit ce portrait qui ressemblait beaucoup a Bragelonne; car
il avait ete fait pendant la jeunesse du comte.
Il attacha sur cette peinture des regards menacants.
La Valliere, dans l'etat d'oppression ou elle se trouvait et a
cent lieues, d'ailleurs, de penser a cette peinture, ne put
deviner la preoccupation du roi.
Et cependant le roi s'etait jete dans un souvenir terrible qui,
plus d'une fois, avait preoccupe son esprit, mais qu'il avait
toujours ecarte.
Il se rappelait cette intimite des deux jeunes gens depuis leur
naissance.
Il se rappelait les fiancailles qui en avaient ete la suite.
Il se rappelait qu'Athos etait venu lui demander la main de La
Valliere pour Raoul.
Il se figura qu'a son retour a Paris, La Valliere avait trouve
certaines nouvelles de Londres, et que ces nouvelles avaient
contrebalance l'influence que, lui, avait pu prendre sur elle.
Presque aussitot il se
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