nicamp, toujours reveur et distrait, repondit, croyant
qu'on lui parlait de Guiche:
-- Merci, le comte va un peu mieux.
Et il continua sa route jusqu'a l'antichambre, ou il trouva
d'Artagnan, a qui il demanda des explications sur cet air effare
qu'il avait cru voir au roi.
D'Artagnan lui repondit qu'il s'etait trompe; que le roi, au
contraire, etait d'une gaiete folle.
Huit heures sonnerent sur ces entrefaites.
Le roi, d'ordinaire, prenait son dejeuner a ce moment.
Il etait arrete, par le code de l'etiquette, que le roi aurait
toujours faim a huit heures.
Il se fit servir sur une petite table, dans sa chambre a coucher,
et mangea vite.
De Saint-Aignan, dont il ne voulait pas se separer, lui tint la
serviette. Puis il expedia quelques audiences militaires.
Pendant ces audiences, il envoya de Saint-Aignan aux decouvertes.
Puis, toujours occupe, toujours anxieux, toujours guettant le
retour de Saint-Aignan, qui avait mis son monde en campagne et qui
s'y etait mis lui-meme, le roi atteignit neuf heures.
A neuf heures sonnantes, il passa dans son cabinet.
Les ambassadeurs entraient eux-memes, au premier coup de ces neuf
heures.
Au dernier coup, les reines et Madame parurent.
Les ambassadeurs etaient trois pour la Hollande, deux pour
l'Espagne.
Le roi jeta sur eux un coup d'oeil, et salua.
En ce moment aussi, de Saint-Aignan entrait.
C'etait pour le roi une entree bien autrement importante que celle
des ambassadeurs, en quelque nombre qu'ils fussent et de quelque
pays qu'ils vinssent.
Aussi, avant toutes choses, le roi fit-il a de Saint-Aignan un
signe interrogatif, auquel celui-ci repondit par une negation
decisive.
Le roi faillit perdre tout courage; mais, comme les reines, les
grands et les ambassadeurs avaient les yeux fixes sur lui, il fit
un violent effort et invita les derniers a parler.
Alors un des deputes espagnols fit un long discours, dans lequel
il vantait les avantages de l'alliance espagnole.
Le roi l'interrompit en lui disant:
-- Monsieur, j'espere que ce qui est bien pour la France doit etre
tres bien pour l'Espagne.
Ce mot, et surtout la facon peremptoire dont il fut prononce, fit
palir l'ambassadeur et rougir les deux reines, qui, Espagnoles
l'une et l'autre, se sentirent, par cette reponse, blessees dans
leur orgueil de parente et de nationalite.
L'ambassadeur hollandais prit la parole a son tour, et se plaignit
des preventions que le roi temoignait
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