e le portrait de Charles Ier, roi martyr, et sur ses
boiseries les trous des balles puritaines lancees par les soldats
de Cromwell, le 24 aout 1648, alors qu'ils avaient amene Charles
Ier prisonnier a Hampton-Court.
C'est la que tenait sa cour ce roi toujours ivre de plaisir; ce
roi poete par le desir; ce malheureux d'autrefois qui se payait,
par un jour de volupte, chaque minute ecoulee naguere dans
l'angoisse et la misere.
Ce n'etait pas le doux gazon d'Hampton-Court, si doux que l'on
croit fouler le velours; ce n'etait pas le carre de fleurs
touffues qui ceint le pied de chaque arbre et fait un lit aux
rosiers de vingt pieds qui s'epanouissent en plein ciel comme des
gerbes d'artifice; ce n'etaient pas les grands tilleuls dont les
rameaux tombent jusqu'a terre comme des saules, et voilent tout
amour ou toute reverie sous leur ombre ou plutot sous leur
chevelure; ce n'etait pas tout cela que Charles II aimait dans son
beau palais d'Hampton Court.
Peut-etre etait-ce alors cette belle eau rousse pareille aux eaux
de la mer Caspienne, cette eau immense, ridee par un vent frais,
comme les ondulations de la chevelure de Cleopatre, ces eaux
tapissees de cressons, de nenuphars blancs aux bulbes vigoureuses
qui s'entrouvrent pour laisser voir comme l'oeuf le germe d'or
rutilant au fond de l'enveloppe laiteuse, ces eaux mysterieuses et
pleines de murmures, sur lesquelles naviguent les cygnes noirs et
les petits canards avides, frele couvee au duvet de soie, qui
poursuivent la mouche verte sur les glaieuls et la grenouille dans
ses repaires de mousse.
C'etaient peut-etre les houx enormes au feuillage bicolore, les
ponts riants jetes sur les canaux, les biches qui brament dans les
allees sans fin, et les bergeronnettes qui pietinent en voletant
dans les bordures de buis et de trefle.
Car il y a de tout cela dans Hampton-Court; il y a, en outre, les
espaliers de roses blanches qui grimpent le long des hauts
treillages pour laisser retomber sur le sol leur neige odorante;
il y a dans le parc les vieux sycomores aux troncs verdissants qui
baignent leurs pieds dans une poetique et luxuriante moisissure.
Non, ce que Charles II aimait dans Hampton-Court, c'etaient les
ombres charmantes qui couraient apres midi sur ses terrasses,
lorsque, comme Louis XIV, il avait fait peindre leurs beautes dans
son grand cabinet par un des pinceaux intelligents de son epoque,
pinceaux qui savaient attacher sur la toile un rayon echappe
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