ans et
demi... quinze mois de trop.
-- Ou voulez-vous en venir, chere dame?
-- A ceci: je suis bien avec le roi d'Espagne.
"Je n'y suis pas mal", pensa Aramis.
-- Voulez-vous, continua la duchesse, que je demande pour vous, au
roi, la succession du franciscain?
-- Oh! duchesse!
-- Vous l'avez peut-etre? dit-elle.
-- Non, sur ma parole!
-- Eh bien! je puis vous rendre ce service.
-- Pourquoi ne l'avez-vous pas rendu a M. de Laicques, duchesse?
C'est un homme plein de talent et que vous aimez.
-- Oui, certes; mais cela ne s'est pas trouve. Enfin, repondez,
Laicques ou pas Laicques, voulez-vous?
-- Duchesse, non, merci!
"Il est nomme", pensa-t-elle.
-- Si vous me refusez ainsi, reprit Mme de Chevreuse, ce n'est pas
m'enhardir a vous demander pour moi.
-- Oh! demandez, demandez.
-- Demander!... Je ne le puis, si vous n'avez pas le pouvoir de
m'accorder.
-- Si peu que je puisse, demandez toujours.
-- J'ai besoin d'une somme d'argent pour faire reparer Dampierre.
-- Ah! repliqua Aramis froidement, de l'argent?... Voyons,
duchesse, combien serait-ce?
-- Oh! une somme ronde.
-- Tant pis! Vous savez que je ne suis pas riche?
-- Vous, non; mais l'ordre. Si vous eussiez ete general...
-- Vous savez que je ne suis pas general.
-- Alors, vous avez un ami qui, lui, doit etre riche: M. Fouquet.
-- M. Fouquet? madame, il est plus qu'a moitie ruine.
-- On le disait, et je ne voulais pas le croire.
-- Pourquoi, duchesse?
-- Parce que j'ai du cardinal Mazarin quelques lettres, c'est-a-
dire Laicques les a, qui etablissent des comptes etranges.
-- Quels comptes?
-- C'est a propos de rentes vendues, d'emprunts faits, je ne me
souviens plus bien. Toujours est-il que le sous intendant, d'apres
des lettres signees Mazarin, aurait puise une trentaine de
millions dans les coffres de l'Etat. Le cas est grave.
Aramis enfonca ses ongles dans sa main.
-- Quoi! dit-il, vous avez des lettres semblables et vous n'en
avez pas fait part a M. Fouquet?
-- Ah! repliqua la duchesse, ces sortes de choses sont des
reserves que l'on garde. Le jour du besoin venu, on les tire de
l'armoire.
-- Et le jour du besoin est venu? dit Aramis.
-- Oui, mon cher.
-- Et vous allez montrer ces lettres a M. Fouquet?
-- J'aime mieux vous en parler a vous.
-- Il faut que vous ayez bien besoin d'argent, pauvre amie, pour
penser a ces sortes de choses, vous qui teniez en si pietre estime
la
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