tres forains ou parait, sur la
scene, un colosse qui marche mu par les petites jambes et les bras
greles d'un enfant cache dans sa carcasse.
Nous retournons a Saint-Mande, ou le surintendant recoit, selon
son habitude, sa societe choisie d'epicuriens.
Depuis quelque temps, le maitre a ete rudement eprouve. Chacun se
ressent au logis de la detresse du ministre. Plus de grandes et
folles reunions. La finance a ete un pretexte pour Fouquet, et
jamais, comme le dit spirituellement Gourville, pretexte n'a ete
plus fallacieux; de finances, pas l'ombre.
M. Vatel s'ingenie a soutenir la reputation de la maison.
Cependant les jardiniers, qui alimentent les offices, se plaignent
d'un retard ruineux. Les expeditionnaires de vins d'Espagne
envoient frequemment des mandats que nul ne paie. Les pecheurs que
le surintendant gage sur les cotes de Normandie supputent que,
s'ils etaient rembourses, la rentree de la somme leur permettrait
de se retirer a terre. La maree, qui, plus tard, doit faire mourir
Vatel, la maree n'arrive pas du tout.
Cependant, pour le jour de reception ordinaire, les amis de
Fouquet se presentent plus nombreux que de coutume. Gourville et
l'abbe Fouquet causent finances, c'est-a-dire que l'abbe emprunte
quelques pistoles a Gourville. Pelisson, assis les jambes
croisees, termine la peroraison d'un discours par lequel Fouquet
doit rouvrir le Parlement.
Et ce discours est un chef-d'oeuvre, parce que Pelisson le fait
pour son ami, c'est-a-dire qu'il y met tout ce que, certainement,
il n'irait pas chercher pour lui-meme. Bientot, se disputant sur
les rimes faciles, arrivent du fond du jardin Loret et La
Fontaine.
Les peintres et les musiciens se dirigent a leur tour du cote de
la salle a manger. Lorsque huit heures sonneront, on soupera.
Le surintendant ne fait jamais attendre.
Il est sept heures et demie; l'appetit s'annonce assez galamment.
Quand tous les convives sont reunis, Gourville va droit a
Pelisson, le tire de sa reverie et l'amene au milieu d'un salon
dont il a ferme les portes.
-- Eh bien! dit-il, quoi de nouveau?
Pelisson, levant sa tete intelligente et douce:
-- J'ai emprunte, dit-il, vingt-cinq mille livres a ma tante. Les
voici en bons de caisse.
-- Bien, repondit Gourville, il ne manque plus que cent quatre-
vingt-quinze mille livres pour le premier paiement.
-- Le paiement de quoi? demanda La Fontaine du ton qu'il mettait a
dire: "Avez-vous lu Baruch?"
-- Voila en
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